Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/199

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perd, il plaira bientôt à celle qui est robuste de s’égarer et de se perdre aussi. Je désire sans doute des conquêtes à l’extérieur, mais je crains plus encore des pertes intérieures. Si je me montre indifférent à ton égarement, ce qui est fort me regarde et s’imagine qu’il importe peu de tomber dans l’hérésie. Voit-on dans le siècle quelque avantage à changer, de religion ? En considérant que je ne cours pas après toi, le chrétien même robuste me dit aussitôt pour son malheur : Mais Dieu est là comme ici. Ces différences ne viennent que d’esprits querelleurs ; il faut adorer Dieu partout. Qu’un Donatiste vienne à lui dire : Je ne te donnerai pas ma fille si tu n’entres dans mon parti, il est nécessaire qu’il puisse répondre : Ah ! s’il n’y avait point de mal à en être, nos pasteurs ne parleraient pas tant contre lui, ils ne feraient pas tant pour préserver de ces erreurs. Et si nous cessions, si nous nous taisions, on dirait au contraire : Si c’était mal d’être du parti de Donat, nos pasteurs parleraient contre ce parti, ils en montreraient le danger, ils travailleraient à en retirer ; ils rappelleraient ces brebis égarées, ils rechercheraient ces brebis perdues. C’est ainsi qu’après avoir dit précédemment : « Vous avez tué les brebis grasses », il n’est pas inutile que le Prophète répète ici en, concluant : « Et vous avez tué les fortes. » Ce ne serait qu’une simple répétition si le sens n’était fixé par ce qui précède : « Vous n’avez pas rappelé celles qui étaient égarées, ni cherché celles qui étaient perdues », et en agissant ainsi « vous avez tué les fortes. »
16. Aussi écoute ce que produit la négligence de ces mauvais, ou plutôt de ces faux pasteurs. « Et mes brebis ont été dispersées parce qu’elles sont sans pasteur, et elle sont devenues la proie de tous les animaux des champs. » Quand les brebis ne demeurent pas autour du berger, elles sont enlevées bientôt par le loup qui guette, ravies par le lion qui rugit. Il y a bien là un pasteur, mais ce n’en est pas un pour ces êtres malfaisants ; c’est un pasteur qui n’est pas pasteur, un pasteur qui se paît lui-même sans paître ses brebis ; aussi s’égarent-elles pour leur malheur, elles se jettent au milieu d’animaux qui les dévorent et qui cherchent à se rassasier de leur sang. Tels sont les hommes qui se félicitent des égarements d’autrui, ce sont des animaux qui vivent du sang des brebis dispersées[1]##Rem.
17. « Et mes brebis ont été dispersées, et elles se sont égarées sur toutes les montagnes et sur toutes les hautes collines. » Les bêtes des montagnes et des collines désignent l’arrogance de la terre et l’orgueil du siècle. L’orgueil de Donat s’est enflé et il s’est fait un parti. Parménien l’a suivi, il a confirmé le mal. L’un est la montagne, l’autre est la colline. Ainsi en est-il de tout hérésiarque vainement enflé : il promet aux brebis le repos et de bons pâturages. Quelquefois, il est vrai, elles y trouvent des aliments produits parla pluie du ciel et non parla sécheresse de la montagne ; car ces sectes égarées possèdent aussi les Écritures et les sacrements mêmes, ce qui n’appartient pas aux montagnes et s’y rencontre néanmoins. On fait mal toutefois en y demeurant ; car en errant sur les montagnes et dans les collines, on s’éloigne du troupeau, on s’éloigne de l’unité, on s’éloigne des troupes armées contre les loups et les lions. Que Dieu donc les en retire, qu’il les en retire lui-même. Bientôt vous l’entendrez les rappeler.« Mes brebis, dit-il, se sont égarées sur toutes les montagnes et sur toutes les collines », c’est-à-dire sur toutes les folles élévations de l’orgueil du siècle. Car il y a aussi de saintes montagnes. « J’ai élevé mes regards vers les montagnes d’où me viendra le secours. » Apprends toutefois que tu ne dois pas mettre ton espoir en ces montagnes : « Mon secours, est-il écrit, viendra du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre [2]. » Ne crois pas outrager ces saintes montagnes lorsque tu dis : « Mon secours viendra », non des montagnes, mais « du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. » C’est en effet ce que te crient ces montagnes, car c’était une montagne qui disait « J’apprends qu’il se forme des divisions parmi vous et que chacun dit : Je suis à Paul, moi à Apollo, moi à Céphas, et moi au Christ. » Élève tes regards vers cette montagne, écoute ce qu’elle dit et ne reste pas sur elle. Voici en effet ce qui suit : « Est-ce que Paul a été crucifié pour vous[3] ? » Oui donc, après avoir levé les yeux vers les montagnes d’où te viendra le secours, c’est-à-dire vers les auteurs des divines Écritures, écoute cet autre qui te crie de toute sa voix et de toutes ses forces : « Qui est semblable à vous, Seigneur[4] ? » et sans crainte aucune d’injurier ces montagnes tu diras : « Le secours me vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. » Non-seulement tu ne seras point blâmé par ces montagnes ; elles t’en aimeront et te favoriseront davantage, au lieu qu’elles s’attristeront si tu places en elles ton

  1. 2 Cor. 5, 10
  2. Ps. 120, 1-2
  3. 1 Cor. 1, 11-13
  4. Ps. 34, 10