Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/345

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puise dans la chaire et non dans le trésor de son cœur. Nous l’attestons devant votre sainteté : ce qui vient de l’ancien Testament s’éclaircit par le Nouveau ; et c’est ainsi qu’on vient au Seigneur pour être débarrassé du voile.


SERMON LXXV. TEMPÊTE APAISÉE[1].

ANALYSE. – Le but de saint Augustin est d’expliquer la signification mystique de ce fait et de ses circonstances diverses. Les voyageurs qui passent la mer sur le navire, nous apprennent que nous sommes tous voyageurs et que nous ne pouvons nous sauver que sur le bois de la croix. La montagne où le Christ s’est retiré pour prier, rappelle le ciel où il est monté avant nous et qu’il intercède pour nous. La tempête, représente les orages soulevés contre l’Église ; cette tempête est excitée en l’absence du Sauveur, c’est-à-dire quand l’âme est vaincue par quelque passion ; elle est excitée vers la fin de la nuit, maintenant même que le Christ presse de son pied vainqueur les vagues écumantes du siècle. On le prend pour un fantôme : c’est ainsi que les Manichéens ne croient pas à la réalité de son incarnation et que d’autres hérétiques n’ajoutent pas foi à là réalité de ses menaces. Pierre à son tour marche sur les flots où le soutient le bras de Celui qui soutient et soutiendra son Église, sans l’abandonner jamais.


1. La lecture de l’Évangile que nous venons d’entendre avertit l’humilité de chacun de nous de rechercher et de savoir oit nous sommes, où nous devons tendre et nous empresser d’arriver. Ne croyez pas en effet qu’il n’y a aucune signification relevée dans ce vaisseau qui portait les disciples et qui luttait sur les flots contre le vent contraire. Ce n’est pas sans motif non plus que laissant la foule le Seigneur gravit la montagne pour y prier seul, ni que venant et marchant sur la mer il trouva ses disciples en danger, les rassura en montant sur la barque et apaisa les vagues. Faut-il s’étonner que Celui qui a tout créé puisse apaiser tout ? De plus, quand il fut dans le vaisseau, les passagers vinrent à lui en disant : « Vous êtes vraiment le Fils de Dieu. » Mais avant de le reconnaître avec tant d’éclat, ils s’étaient troublés en le voyant sur la mer et avaient dit : « C’est un fantôme. » Pour lui, montant sur là barque il fit cesser l’incertitude de leurs cœurs, incertitude qui mettait plus leur âme en danger que les vagues n’y mettaient leur corps.
2. Il est bien vrai, le Seigneur, dans toutes ses actions, nous trace des règles de vie. Tous ne sont-ils pas étrangers dans ce siècle, quoique tous ne désirent pas leur retour dans la patrie Nous rencontrons dans le voyage des flots et des tempêtes ; il nous faut donc au moins un navire, et si sur le navire même nous courons des dangers, en dehors du navire notre perte serait certaine. Quelques vigoureux que soient les bras d’un homme qui nage, sur l’Océan, il finit par être vaincu, entraîné et submergé dans les vastes abîmes. Afin donc de traverser cette mer, il nous faut être sur un navire, appuyés sur le bois. Et ce bois qui soutient notre faiblesse, est la croix même dit Seigneur, dont nous sommes marqués et qui nous préserve des gouffres de ce monde. Les flots se soulèvent contre nous ; mais le Seigneur est Dieu et il nous vient en aide.
3. Si le Seigneur laisse la toute et va seul sur la montagne pour y prier, c’est que cette montagne figure le.haut des cieux. Ainsi, en effet, le Sauveur après sa résurrection, laissa les hommes et monta seul au ciel, où il intercède pour nous, comme dit l’Apôtre [2]. Il y a donc un mystère dans cet abandon de la multitude et cette ascension sur la montagne pour y prier solitaire. Seul encore aujourd’hui il est le premier-né d’entre les morts et, depuis sa résurrection, placé à la droite de son Père pour y être notre pontife et l’appui de nos supplications. Ainsi le Chef de l’Église est élevé afin que tous ses membres le suivent jusqu’au terme suprême ; et s’il va pour prier au sommet de la montagne, c’est qu’élevé au-dessus des plus nobles créatures, il prie réellement seul.
4. Cependant le navire qui porte les disciples, ou l’Église, est ballotté par la tempête et secoué par les tentations. Le vent contraire ne cesse pas, parce que le diable, son ennemi, travaille à l’empêcher de parvenir au repos. Mais notre Intercesseur l’emporte ; car au milieu des secousses qui nous tourmentent, il nous inspire confiance, en venant à nous et en nous fortifiant. Ayons soin seulement de ne pas nous troubler, sur le

  1. Mat. 14, 24-33
  2. Rom. 8, 34