Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/353

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Christ ? Ces Juifs se convertirent donc, ils se convertirent et furent baptisés. Ils s’approchèrent de la table sainte et burent avec foi le sang qu’ils avaient répandu avec fureur. Combien d’ailleurs leur conversion rie fut-elle pas sincère et parfaite ? On peut s’en l’aire une idée par le livre des Actes. On y voit qu’ils vendirent tous leurs biens et en apportèrent la valeur aux pieds des Apôtres. On distribuait à chacun suivant les besoins de chacun ; personne ne réclamait rien en propre et tout était commun entre eux. « Et ils n’avaient, est-il écrit, qu’une âme et qu’un cœur en Dieu [1]. » Voilà les ouailles dont le Sauveur disait : « Je ne suis envoyé que vers les brebis perdues de la maison d’Israël. » C’est à eux qu’il se montra, pour eux qu’il pria du haut de la croix où on l’outrageait. « Mon Père, disait-il, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font[2]. » Médecin généreux, il avait en vue ces frénétiques qui dans leur aveuglement tuaient leur médecin et qui sans le savoir se préparaient un remède dans la mort qu’ils lui faisaient subir. C’est à la mort du Seigneur que nous sommes tous redevables de notre guérison, nous sommes rachetés par son sang et l’aliment de son corps sacré apaise notre faim. Le Christ donc se montra visiblement aux Juifs, et en disant : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ;» il faisait entendre qu’il leur devait sa présence corporelle, sans mépriser toutefois et sans délaisser les brebis qu’il possédait parmi les gentils.
5. Il ne visita pas lui-même les gentils, mais, il leur envoya ses disciples ; et ce fut l’accomplissement de cette prophétie : « Le Peuple que je n’ai pas connu m’a servi[3]. » Remarquez combien cette prédiction est profonde, évidente et expresse. « Le peuple que je n’ai pas connu ; » c’est-à-dire que je n’ai pas visité corporellement, « m’a servi. » Comment ? Le voici : « Il m’a prêté une oreille docile[4] : » en d’autres termes : ils ont cru, non pas en voyant mais en entendant. C’est la grande gloire des gentils. Les Juifs ont vu le Christ et l’ont mis à mort : les gentils ont entendu parler de lui et y ont cru.
Or, ce fut pour répondre à ces paroles que nous venons de chanter : « Rassemblez-nous du milieu des gentils, afin que nous célébrions votre nom et que nous mettions notre bonheur à publier vos louanges ;[5] » pour appeler et rassembler les gentils, que le même Apôtre Paul fut envoyé. Ce petit devenu grand, non par sa propre puissance, mais par la grâce de Celui qu’il avait persécuté, fut envoyé vers les gentils, et de larron il devint pasteur, brebis, de loup qu’il était. Ce dernier des Apôtres fut adressé aux gentils, il travailla immensément parmi eux et les amena à la foi, comme l’attestent ses Épîtres.
6. Il y a de ceci une figure auguste dans l’Évangile même. La fille d’un chef de Synagogue était morte ; son père suppliait le Seigneur de venir près d’elle, car il l’avait laissée malade et en danger. Le Seigneur allait donc visiter et guérir cette malade. Pendant ce temps on annonce sa mort et on dit à son père : « Cette enfant est morte, ne tourmentez plus le Maître. » Le Seigneur se sentait capable de ressusciter les morts, et rassurant ce père désespéré : « Ne crains pas, lui dit-il, crois seulement ; » et il poursuivit sa route. Mais voilà que sur le chemin une femme se glissa comme elle put au milieu des foules. Elle souffrait d’une perte de sang et durant cette longue maladie elle avait dépensé vainement tout son bien pour les médecins. Or, dès qu’elle eut touché la frange de la robe du Sauveur, elle fut guérie. « Qui m’a touché? » demanda le Seigneur. Les disciples surpris, ignorant ce qui venait d’arriver, voyant d’ailleurs que leur Maître était pressé par la foule et qu’il s’occupait d’une femme qui l’avait touché légèrement, répondirent : « La foule vous presse, et vous demandez : Qui m’a touché ? – Quelqu’un m’a touché », reprit-il. C’est qu’en effet les uns le pressent et une autre le touche. Beaucoup pressent importunément le corps du Christ et peu le touchent utilement. « Quelqu’un m’a touché ; car j’ai connu qu’une vertu était sortie de moi. » – Reconnaissant alors qu’elle était découverte, cette femme tomba à ses pieds et avoua ce qui s’était fait. Jésus poursuivit ensuite sa route, arriva où il allait et trouvent morte la fille du Chef de Synagogue, il la ressuscita [6].
7. Ce faitout lieu tel qu’il est rapporté. Cependant les actions mêmes du Seigneur sont comme clés paroles qui se voient et signifient quelque chose. Ce qui te montre surtout, c’est qu’un joui-, quand ce n’en était pas la saison, il alla chercher des fruits sur un arbre, et n’en trouvant point il jeta sur lui une malédiction qui le

  1. Act. 2, 4
  2. Luc. 23, 34
  3. Psa. 17, 46
  4. Id.
  5. Psa. 105, 47
  6. Luc. 8, 41-56