Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/580

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pouvoir rester ce qu’ils sont, qu’ils deviennent ce qu’ils ne sont pas ; qu’ils deviennent catholiques, afin de pouvoir rester hommes ; et pour ne pas perdre ce que leur a donné la création divine, qu’ils y ajoutent la divine grâce. Ils croient honorer le Père en outrageant le Fils, et si on dit à l’un d’eux : Tu blasphèmes ; en quoi ? reprend-il. – En disant que le Fils n’est pas de même nature que le Père. – C’est toi plutôt qui blasphèmes, réplique-t-il. – Pourquoi ? - Parce que tu prétends égaler le Fils au Père. – Oui, je prétends égaler le Fils à son Père ; mais le Fils lui est-il étranger ? Le Père n’est-il pas heureux de me voir lui égaler son Fils unique ? Il en est heureux, car il ne connaît pas l’envie ; et c’est parce qu’il n’a point d’envie contre son Fils unique que par la génération il lui a transmis tout ce qu’il est.
Toi au contraire tu outrages le Père en outrageant le Fils, car c’est pour honorer le Père que tu déshonores son Fils. Si en effet tu prétends que le Fils n’est pas de même substance, c’est pour ne pas manquer à son Père. Eli bien ! je vais te montrer en peu de mots que tu manques à tous deux. – Comment ? Si je dis à un fils : Homme dégénéré, tu ne ressembles pas à ton père ; homme dégénéré, que tu es loin de ton père ! Ce fils en m’entendant s’irrite et s’écrie : Est-ce en naissant que j’étais dégénéré ? De son côté, le père en m’entendant s’irrite plus vivement encore, et que dit-il dans sa colère ? Ai-je donc engendré un fils dégénéré ? Si j’ai engendré ce que je ne suis pas, j’ai engendré un monstre. – Demanderas-tu encore comment tu outrages le Père et le Fils en honorant l’un au détriment de l’autre ? Tu offenses le Fils sans te concilier le Père ; en cherchant à faire profiter le Père du déshonneur du Fils, tu blesses le Père comme le Fils. Vers qui maintenant iras-tu te réfugier ? Si tu veux échapper à la colère du Père en courant vers le Fils, ne te dira-t-il pas : Quoi ! tu recours à un Fils que tu supposes dégénéré ? Et si tu recours au Père après avoir offensé le Fils, ne te dira-t-il pas aussi : Quoi ! tu recours à un Père que tu supposes avoir engendré un Fils d’autre, nature ?
Contentez-vous de cela, mes frères : retenez-le, confiez-le à votre mémoire, inscrivez-le sur les tablettes de votre croyance, et pour le comprendre, adressez vos prières à Dieu le Père et à son Fils, car ils ne sont qu’un.


SERMON CXL. ÉGALITÉ DU FILS AVEC LE PÈRE[1].

ANALYSE. – Un évêque Arien, du nom de Maximin, et protégé par le comte Ségisvult, opposait à l’enseignement catholique, sur l’égalité du Fils avec le Père, ces paroles de saint Jean : « Qui croit en moi, ne croit pas en moi, mais en Celui qui m’a envoyé ; » et ces autres : « Mon Père qui m’a envoyé m’a prescrit lui-même ce que je dois dire et ce dont je dois parler ; et je sais que son commandement est la vie éternelle. » Pour réfuter l’évêque Arien, saint Augustin établit que le Père en engendrant son Fils lui communique une égalité parfaite avec lui-même. C’est à quoi le Fils rend hommage en faisant remonter à son Père la foi que nous avons en sa parole. Quant au commandement qu’il déclare avoir reçu de son Père dès que ce commandement est appelé par lui la vie éternelle et que de lui-même l’Écriture dit ailleurs qu’il est la vie éternelle, ce commandement n’est autre chose que l’être divin qu’il doit à son Père.


1. Pourquoi, mes frères, venons-nous d’entendre dire au Seigneur : « Qui croit en moi ne croit pas en moi, mais en Celui qui m’a envoyé ? » Il nous est salutaire de croire au Christ, surtout parce que c’est lui qui a dit expressément ce qu’on vient de répéter devant vous, savoir qu’il était venu dans le monde pour en être la lumière, et que croire en lui ce n’était pas marcher dans les ténèbres, mais avoir la lumière de la vie[2]. Il est donc utile, il est extrêmement avantageux de croire au Christ, et c’est un grand malheur de n’y pas croire. Cependant, comme le Christ, Fils de Dieu, tient de son Père tout ce qu’il est, comme le Père ne procède pas du Fils, puisqu’au contraire il en est le Père, tout en nous recommandant d’avoir foi en lui, le Fils en reporte toute la gloire à son Père.
2. Effectivement, si vous voulez demeurer catholiques, croyez d’une manière ferme et inébranlable que Dieu le Père a engendré, avant le temps, Dieu le Fils et que, dans le temps, il l’a fait naître d’une Vierge. La première naissance devance tous les temps, la seconde les éclaire ; toutes deux néanmoins sont admirables, car pour la première il n’y a point de mère, ni de père pour la

  1. Jn. 12, 44-50
  2. Id. 8, 12