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SERMON CXLI. JÉSUS NOTRE VOIE[1].

ANALYSE. – Les philosophes ont pu avec les lumières de la raison se faire quelque idée de la grandeur et de la majesté de Dieu. Mais au lieu de prendre le chemin qui les aurait conduits à la possession de ce bien suprême, ils se sont égarés jusqu’à adorer les idoles. Ah ! que nous sommes heureux que la Vérité même se soit faite notre voie dans la personne de Jésus-Christ ! Attachons-nous inséparablement à Lui.

1. Pendant qu’on lisait l’Évangile saint, vous avez entendu, entre autres, ces paroles du Seigneur Jésus : « Je suis la voie et la vérité et la vie. » Quel homme n’aspire à la vérité et à la vie ? Mais chacun n’en découvre pas la voie. Quelques philosophes même profanes ont vu en Dieu une vie éternelle et immuable, intelligible et intelligente, sage et principe de toute sagesse ; en lui aussi ils ont vu une vérité ferme, stable, invariable et comprenant les idées et les formes de toutes les créatures. Malheureusement ils ne l’ont vue que de loin et du sein de l’erreur ; aussi n’ont-ils point découvert la route qui conduit à la possession de ce magnifique, de cet heureux et ineffable héritage. Ce qui prouve en effet qu’ils ont vu réellement, autant du moins que l’homme en est capable, le Créateur à travers la créature, l’ouvrier à travers son ouvrage et dans le monde l’auteur même du monde, c’est le témoignage, irrécusable pour les Chrétiens, de l’Apôtre saint Paul. Il dit donc en parlant d’eux : « La colère de Dieu éclate du haut du ciel contre toute l’impiété. » Vous reconnaissez bien ici le langage de l’Apôtre. « La colère de Dieu éclate du haut du ciel contre toute l’impiété et l’injustice de ces hommes qui retiennent la vérité dans l’iniquité. » L’Apôtre dit-il que ces hommes ne possèdent pas la vérité ? Non, mais ils « la retiennent dans l’iniquité. » Ce qu’ils possèdent est bon, mais ils ont tort de le garder ainsi : « ils retiennent la vérité dans l’iniquité. »

2. On pouvait demander à saint Paul : comment ces impies sont-ils parvenus à la vérité ? Dieu a-t-il adressé la parole à quelqu’un d’entre eux ? Ont-ils reçu de lui la loi, comme le peuple d’Israël par le ministère de Moïse ? Comment alors peuvent-ils retenir la vérité, fût-ce dans l’iniquité même ? – Prêtez l’oreille à ce qui suit, c’est la réponse. « Parce que ce qui est connu de Dieu est manifeste en eux ; Dieu le leur a manifesté. » – Comment ! il le leur a manifesté et il ne leur a pas donné sa loi ? – Voici de quelle manière. « En effet, ses invisibles perfections ; rendues compréhensibles par ses œuvres, sont devenues visibles. » Interroge le monde et la magnificence du ciel, l’éclat et la disposition des astres, le soleil qui suffit pour former le jour, et la lune qui nous ranime pendant la nuit ; interroge cette terre qui produit en abondance et la verdure et les arbres, qui se couvre d’animaux et qu’embellit le genre humain ; interroge la mer, les grands et nombreux poissons qui la remplissent ; interroge l’atmosphère et les oiseaux qui en font la vie ; interroge enfin tous les êtres et dis-moi si tous ne te répondent pas à leur manière C’est Dieu qui nous a faits. De nobles philosophes ont ainsi interrogé l’univers, et cet œuvre leur a fait connaître l’ouvrier.

Mais alors, comment dire que la colère de Dieu éclate contre leur impiété ? C’est qu’« ils retiennent la vérité dans l’injustice. » Venez, Apôtre, expliquez-vous. Déjà vous avez montré comment ils sont parvenus à connaître Dieu. « Ses invisibles perfections, dit-il, rendues compréhensibles par ses œuvres, sont devenues visibles, aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité : de sorte qu’ils sont inexcusables. Car après avoir connu Dieu ils ne l’ont point glorifié comme Dieu ni ne lui ont rendu grâces ; mais ils se sont perdus dans leurs pensées et leur cœur insensé s’est obscurci. » C’est toujours l’Apôtre qui parle et non pas moi. « Et leur cœur insensé s’est obscurci. Ainsi en disant qu’ils étaient sages ils sont devenus fous. » L’orgueil leur a fait perdre ce que la curiosité leur avait fait découvrir. « En disant qu’ils étaient sages », en s’attribuant les dons de Dieu, « ils sont devenus fous. » Encore une fois c’est l’Apôtre qui l’assure : « En disant qu’ils étaient sages, ils sont devenus fous. »

3. Montrez maintenant, prouvez qu’ils étaient fous. O Apôtre, vous nous avez fait voir comment

  1. Jn. 14, 6