Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/89

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leur montrera leurs trésors vides de toute bonne œuvre. « Allez, dira-t-il, au feu éternel qui a été préparé au diable et à ses anges. J’ai eu faim et vous rie m’avez pas donné à manger. » Avez-vous jamais rien trouvé, rien déposé dans ce trésor ? Cherchez bien, on vous rendra tout. « Mais jamais, disent-ils, nous ne vous avons vu avoir faim. » Et lui : « Chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, vous ne me l’avez pas fait non plus [1]. » Ce qui peut-être vous a empêchés de me le faire, c’est que vous ne m’avez pas vu marcher sur la terre. Mais vous êtes si pervers qui si vous me voyiez vous me crucifieriez comme les Juifs. Car les méchants qui voudraient qu’aujourd’hui, s’il était possible, il n’y eût plus d’églises où on prêchât les commandements de Dieu, ceux-là ne feraient-ils pas mourir le Christ, s’ils le trouvaient vivant sur la terre ? Cependant ils oseront lui dire, comme s’il ignorait les pensées des hommes. « Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim ? » Et lui : « Chaque fois que vous avez manqué à l’un de ces plus petits, vous m’avez manqué aussi. » J’avais placé devant vous sur la terre mes petits dans l’indigence. Comme chef, j’étais assis dans le ciel à la droite de mon Père ; mais sur la terre mes membres souffraient, ils étaient indigents sur la terre il fallait leur donner, ce don serait allé jusqu’au chef ; il fallait savoir qu’en plaçant devant vous ces indigents sur la terre, je voulais en faire comme vos serviteurs chargés de porter vos œuvres dans mon trésor : vous n’avez rien mis dans leurs mains ; ne soyez pas étonnés de ne rien trouver ici.
5. Ainsi il ne gardera point alors le silence ; il se montrera : c’est pourquoi il est dit : « Il ne se taira point. » Quand le Lecteur lit maintenant cela dans le livre sacré, on le méprise ; si l’évêque l’interprète et l’explique de vive voix, on s’en moque. S’en moquera-t-on ainsi lorsque le Juge tout-puissant le fera entendre lui-même ? Chacun recevra ce qu’il aura fait, le bien ou le mal [2]. Sous l’inspiration d’une pénitence infructueuse et tardive, des hommes diront alors : Ah ! si nous pouvions revivre, écouter et pratiquer ce que nous avons dédaigné ! Ces malheureux que leurs iniquités placent dans les rangs ennemis répéteront alors ce qui est dit au livre de la Sagesse : « Que nous a servi l’orgueil ? Que nous a procuré l’ostentation des richesses ? Toutes ces choses ont passé comme l’ombre[3]. » Vous voyez qu’ils se repentiront ; mais ce repentir les torturera sans les guérir. Veux-tu faire une pénitence utile ? Fais-la maintenant. Si tu la fais maintenant tu te corrigeras, et quand tu seras corrigé, on jettera ce trésor d’iniquités où étaient recueillies tes mauvaises actions, et l’on te donnera un autre trésor pour le remplir de tes bonnes œuvres. Mais si tu mourais immédiatement après ta conversion, trouverait-on aucune bonne œuvre dans ce trésor ? Oui, tu y trouveras de bonnes œuvres, car il est écrit : « Paix sur terre aux hommes de bonne volonté[4]. » Ce n’est pas le pouvoir que Dieu demande, c’est la bonne volonté qu’il couronne. Il sait que tu as voulu sans pouvoir : il te marque comme si tu avais fait ce que tu as voulu : Il est donc nécessaire de te convertir ; tu pourrais en différant être enlevé par une mort subite et ne rien trouver qui fasse ta richesse dans le présent et ton bonheur dans l’avenir. Tournons-nous avec un cœur pur, etc.[5].


SERMON XIX. SUR LA PÉNITENCE[6]. Prononcé à Carthage, dans la grande basilique, un jour de jeux publics.

ANALYSE. – Ce discours, où Saint Augustin fait entrer deux psaumes presque tout entiers, ou au moins les passages dominants de chacun deux, se rapporte uniquement à la pénitence et se divise en deux parties : savoir, la nécessité et la nature de la pénitence. – I. Il est nécessaire, à l’exemple de David, de déplorer constamment ses péchés propres, plutôt que de censurer les péchés d’autrui : car 1°, cette pénitence est le moyen de désarmer la divine justice ; 2° elle est le sacrifice demandé par Dieu dans le nouveau Testament. – II. La nature de la pénitence consiste 1° à repousser en nous tout ce qui en nous déplaît à Dieu ; 2° à ne pas convoiter les biens temporels comme récompense de nos efforts, car ces biens sont distribués indifféremment aux bons et aux méchants, mais à poursuivre l’acquisition des biens éternels. – Hâtons-nous de faire pénitence. Nous sommes aujourd’hui sous le pressoir de la justice et de la miséricorde.


1. Nous avons en chantant prié le Seigneur de détourner sa face de nos péchés et d’effacer tous nos crimes. Cependant, mes frères, vous pouvez remarquer que dans ce psaume nous avons entendu ces paroles : « Car je reconnais mon iniquité, mon péché est toujours devant moi », et qu’ailleurs nous disons à Dieu : « Ne détournez

  1. Mt. 25, 31-46
  2. 2 Cor. 5, 10
  3. Sag. 5, 8, 9
  4. Lc. 2, 14
  5. Voir serm. 1.
  6. Ps. L ; LXXII