Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/453

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lui-même ; ainsi le Verbe, quand on le nomme ainsi, se rapporte à celui dont il est le Verbe. Car il est Fils par là même qu’il est Verbe, et il est Verbe par là même qu’il est Fils. Donc, puisque le Père et le Fils ensemble ne sont évidemment pas un seul Fils, il s’ensuit que le Père et le Fils ensemble ne sont pas un seul Verbe des deux. Voilà pourquoi le Verbe n’est pas Verbe parce qu’il est sagesse, puisqu’il est nommé Verbe, non par rapport à lui-même, mais seulement par rapport à celui dont il est le Verbe, comme il est nommé Fils par rapport à son Père, tandis qu’il est sagesse parce qu’il est essence. Et comme l’essence est une, la sagesse est une. Or, comme le Verbe est sagesse, mais n’est pas Verbe parce qu’il est sagesse — car il est Verbe relativement, et sagesse essentiellement— entendons, quand on dit Verbe, qu’on parle de la sagesse née pour être Fils et image. Et quand on prononce ces deux mots « sagesse née », entendons, dans l’un, « née », et le Verbe, et l’image, et le Fils ; toutefois, dans ces trois expressions, ne cherchons pas l’essence, parce qu’elles sont relatives. Mais dans l’autre, « sagesse », qui est une expression absolue, puisque la sagesse est sage par elle-même, entendons l’essence même, pour qui être et être sage sont une même chose. Par conséquent, le Père et le Fils sont ensemble une seule sagesse, parce qu’ils sont une seule essence, et, en particulier, sagesse de sagesse, comme essence d’essence. Ainsi, quoique le Père ne soit pas le Fils, ni le Fils le Père, quoique l’un ne soit pas engendré et que l’autre le soit, ils n’en sont pas moins une seule essence : car les noms de Père et de Fils ne sont que relatifs. Mais l’un et l’autre sont ensemble une seule sagesse et une seule essence, pour laquelle être et être sage sont une même chose ; mais ils ne sont pas- tous les deux ensemble Verbe ou Fils, parce que être et être Verbe ou Fils ne sont pas la même chose : ces expressions n’étant que relatives, comme nous l’avons déjà suffisamment démontré.



CHAPITRE III. POURQUOI LES ÉCRITURES ATTRIBUENT PARTICULIÈREMENT AU FILS LA SAGESSE, BIEN QUE LE PÈRE ET LE SAINT-ESPRIT SOIENT AUSSI SAGESSE.



4. Pourquoi donc les Ecritures ne parlent-elles presque jamais de la sagesse que pour la montrer engendrée ou créée de Dieu ? Sagesse engendrée par qui tout a été fait ; sagesse créée ou faite dans les hommes, par exemple, quand ils se tournent vers la sagesse qui n’a pas été créée ou faite, mais engendrée, et qu’ils en reçoivent la lumière ; car alors il se forme en eux quelque chose qui s’appelle leur sagesse : ce que les Ecritures elles-mêmes prédisent ou racontent quand elles disent que « le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous ( Jean, I, 14) », le Christ étant devenu sagesse en devenant homme. Et si la sagesse ne parle pas dans ces livres, ou si on n’y parle d’elle que pour montrer qu’elle est née ou créée de Dieu, quoique le Père lui-même soit sagesse, ne serait-ce pas pour nous recommander et proposer à notre imitation cette sagesse même, sur le modèle de laquelle nous sommes formés ? Car le Père la nomme pour qu’elle soit son Verbe, non ce verbe qui sort de la bouche, s’exprime par un son et demande de la réflexion avant d’être prononcé, verbe qui appartient à l’espace et au temps, tandis que l’autre est éternel, et, en nous éclairant, nous dit, et de lui-même et de son Père, ce qu’il faut dire aux hommes. Aussi le Christ a-t-il dit : « Et nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le révéler (Matt., XI, 27 ) » ; parce que le Père révèle par son Fils, c’est-à-dire par son Verbe. Si en effet la parole temporelle et transitoire que nous prononçons, tout à la fois se manifeste elle-même et fait connaître l’objet dont nous parlons, à combien plus forte raison le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait ! Il révèle le Père en tant que Père, parce qu’il est la même chose, qu’il est ce qu’est le Père, eu tant qu’il est sagesse et essence. Car, en tant que Verbe, il n’est point ce qu’est le Père, parce que le Père n’est pas Verbe, parce qu’il n’est lui-même appelé Verbe ou Fils que dans le sens relatif, ce que le Père n’est certainement point. Et le Christ est appelé vertu et sagesse de Dieu, parce qu’il est lui-même vertu et sagesse du Père, qui est vertu et sagesse ; comme il est lumière du Père qui est lumière, et source de vie en Dieu le Père qui est certainement source de vie. Il est écrit : « Parce que la source de vie est en vous, et que nous verrons la lumière dans votre lumière (Ps., XXXV, 10 ) » ; et encore : « Car comme le Père a la vie en