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L’OISEAU

rement elle rêvait et qu’elle parlait très-souvent tout haut. Pour le roi il ne l’avait point entendue, par une fatalité étrange. C’est que depuis qu’il avait aimé Florine, il ne pouvait plus dormir ; et lorsqu’il se mettait au lit pour prendre quelque repos, on lui donnait de l’opium.

La reine passa une partie du jour dans une étrange inquiétude. « S’il m’a entendue, disait elle, se peut-il une indifférence plus cruelle ? S’il ne m’a pas entendue, que ferai-je pour parvenir à me faire entendre ? » Il ne se trouvait plus de raretés extraordinaires, car des pierreries sont toujours belles ; mais il fallait quelque chose qui piquât le goût de Truitonne : elle eut recours à ses œufs. Elle en cassa un ; aussitôt il en sortit un petit carrosse d’acier poli, garni d’or de rapport : il était attelé de six souris vertes, conduites par un raton couleur de rose et le postillon qui était aussi de famille ratonnienne, était gris-de-lin. Il y avait dans ce carrosse quatre marionnettes plus fringantes et plus spirituelles que toutes celles qui paraissent aux foires Saint-Germain et Saint-Laurent ; elles faisaient des choses surprenantes, particulièrement deux petites Egyptiennes, qui, pour danser la sarabande et les passe-pieds, ne le cédaient à aucun danseur.

La reine demeura ravie de ce nouveau chef d’œuvre de l’art nécromancien : elle ne dit mot jusqu’au soir, qui était l’heure que Truitonne allait à la promenade ; elle se mit dans une allée, faisant galoper ces souris, qui traînaient