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L’OISEAU BLEU.

tonne, elle accourut chez le roi : quelle surprise d’y trouver sa belle rivale ! Dès qu’elle voulut ouvrir la bouche pour lui dire des injures, l’enchanteur et la fée parurent, qui la métamorphosèrent en truie, afin qu’il lui restât au moins une partie de son nom et de son naturel grondeur. Elle s’enfuit toujours grognant jusque dans la basse-cour, où de longs éclats de rire que l’on fit sur elle achevèrent de la désespérer.

Le roi Charmant et la reine Florine, délivrés d’une personne si odieuse, ne pensèrent plus qu’à la fête de leurs noces ; la galanterie et la magnificence y parurent également : il est aisé de juger de leur félicité, après de si longs malheurs.

Quand Truitonne aspirait à l’hymen de Charmant,
Et que sans avoir su lui plaire,
Elle voulait former ce triste engagement.
Que la mort seule peut défaire,
Qu’elle était imprudente, hélas !
Sans doute elle ignorait qu’un pareil mariage
Devient un funeste esclavage,
Si l’amour ne le forme pas.
Je trouve que Charmant fut sage.
 À mon sens il vaut beaucoup mieux
Être oiseau bleu, corbeau, devenir hibou même,
Que d’éprouver la peine extrême
D’avoir ce que l’on hait toujours devant les yeux.
En ces sortes d’hymens notre siècle est fertile.
Les hymens seraient plus heureux
Si l’on trouvait encore quelqu’enchanteur habile
Qui voulût s’opposer à ces coupables nœuds,
Et ne jamais souffrir que l’hyménée unisse
Par intérêt ou par caprice,
Deux cœurs infortunés, s’ils ne s’aiment tous deux.