Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
LUTIN

Un jour qu’il était arrivé des ambassadeurs de bien loin, le prince, accompagné de Léandre, resta dans une galerie pour les voir passer. Dès que les ambassadeurs aperçurent Léandre, ils s’avancèrent et vinrent lui faire de profondes révérences, témoignant par des signes leur admiration ; puis regardant Furibon, ils crurent que c’était son nain ; ils le prirent par le bras, le firent tourner et retourner en dépit qu’il en eût.

Léandre était au désespoir ; il se tuait de leur dire que c’était le fils du roi, ils ne l’entendaient point : par malheur l’interprète était allé les attendre chez le roi. Léandre connaissant qu’ils ne comprenaient rien à ses signes, s’humiliait encore davantage auprès de Furibon ; et les ambassadeurs, aussi-bien que ceux de leur suite, croyant que c’était un jeu, riaient à s’en trouver mal, et voulaient lui donner des croquignoles et des nazardes à la mode de leur pays. Ce prince désespéré, tira sa petite épée, qui n’était pas plus longue qu’un éventail : il aurait fait quelque violence, sans le roi qui vint au-devant des ambassadeurs, et qui demeura bien surpris de cet emportement. Il leur en demanda excuse, car il savait leur langue : ils lui répliquèrent que cela ne tirait point à conséquence, qu’ils avaient bien vu que cet affreux petit nain était de mauvaise humeur. Le roi fut affligé que la méchante mine de son fils et ses extravagances le fissent méconnaître.

Quand Furibon ne les vit plus, il prit Léandre par les cheveux, il lui en arracha deux ou trois