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LUTIN

lui présenta son cheval pour monter dessus. Tout autre qu’un ingrat aurait ressenti jusqu’au fond du cœur des obligations si vives et si récentes, et n’aurait pas manqué de faire et de dire des merveilles ; point du tout, il ne regarda pas seulement Léandre, et il ne se servit de son cheval que pour aller chercher les assassins, auxquels il ordonna de le tuer. Ils environnèrent Léandre, et il aurait été infailliblement tué, s’il avait eu moins de courage. Il gagna un arbre, il s’y appuya pour n’être pas attaqué par derrière, il n’épargna aucun de ses ennemis, et combattit en homme désespéré. Furibon le croyant mort, se hâta de venir pour se donner le plaisir de le voir, mais il eut un autre spectacle que celui où il s’attendait, tous ses scélérats rendaient les derniers soupirs. Quand Léandre le vit, il s’avança et lui dit : « Seigneur, si c’est par votre ordre que l’on m’assassine, je suis fâché de m’être défendu. — Vous êtes un insolent, répliqua le prince en colère ; si jamais vous paraissez devant moi, je vous ferai mourir. »

Léandre ne lui répliqua rien, il se retira fort triste chez lui, et passa la nuit à songer à ce qu’il devait faire ; car il n’y avait pas d’apparence de tenir tête au fils du roi. Il résolut de voyager par le monde ; mais étant prêt de partir, il se souvint de la couleuvre ; il prit du lait et des fruits qu’il lui porta. En ouvrant la porte, il aperçut une lueur extraordinaire qui brillait dans un des coins de la chambre ; il y jeta les yeux, et fut surpris de la présence d’une dame, dont l’air noble et