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LE PRINCE

de la guerre, elle lui envoyait offrir de l’argent autant qu’il en voudrait, pour qu’il la laissât en paix ; qu’à la vérité, s’il refusait cette proposition, elle ne négligerait rien pour se défendre. Furibon répliqua qu’il voulait bien avoir pitié d’elle, qu’il lui accordait l’honneur de sa protection, et qu’elle n’avait qu’à lui envoyer cent mille mille mille millions de pistoles, qu’aussitôt il retournerait dans son royaume. Léandre dit qu’on serait trop long-temps à compter cent mille mille mille millions de pistoles, qu’il n’avait qu’à dire combien il en voulait de chambres pleines, et que la princesse était assez généreuse et assez puissante pour n’y pas regarder de si près. Furibon demeura bien étonné qu’au lieu de lui demander à rabattre, on lui proposât d’augmenter ; il pensa en lui-même qu’il fallait prendre tout l’argent qu’il pourrait, puis arrêter l’amazone et la tuer pour qu’elle ne retournât point vers sa maîtresse.

Il dit à Léandre qu’il voulait trente chambres bien grandes toutes remplies de pièces d’or, et qu’il donnait sa parole royale qu’il s’en retournerait. Léandre fut conduit dans les chambres qu’il devait remplir d’or ; il prit la rose, et la secoua, la secoua tant et tant, qu’il en tomba pistoles, quadruples, louis, écus d’or, nobles à la rose, souverains, guinées, sequins ; cela tombait comme une grosse pluie : il y a peu de chose dans le monde qui soit plus joli.

Furibon se ravissait, s’extasiait ; et plus il voyait d’or, plus il avait d’envie de prendre l’a-