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LE PRINCE

tranger soient une même chose, j’avoue que j’aurais bien du plaisir de lui témoigner ma reconnaissance ! » Lutin repartit : « Je veux encore travailler à la mériter. » En effet, il retourna à l’armée de Furibon, où le bruit de sa mort venait de se répandre. Dès qu’il y parut avec ses habits ordinaires, chacun vint à lui ; les capitaines et les soldats l’environnèrent, poussant de grands cris de joie : ils le reconnurent pour leur roi, et que la couronne lui appartenait. Il leur donna libéralement à partager entr’eux les trente chambres pleines d’or ; de manière que cette armée fut riche à jamais. Et après quelques cérémonies qui assuraient Léandre de la foi des soldats, il retourna encore vers sa princesse, ordonnant à son armée de s’en aller à petites journées dans son royaume. La princesse s’était couchée ; et le profond respect que ce prince avait pour elle, l’empêcha d’entrer dans sa chambre ; il se retira dans la sienne, car il avait toujours couché en bas. Il était lui-même assez fatigué pour avoir besoin de repos ; cela fit qu’il ne pensa point à fermer la porte aussi soigneusement qu’il le faisait d’ordinaire.

La princesse mourait de chaud et d’inquiétude ; elle se leva plus matin que l’aurore, et descendit en déshabillé dans son appartement bas. Mais qu’elle surprise fut la sienne, d’y trouver Léandre endormi sur un lit ! Elle eut tout le temps de le regarder sans être vue, et de se convaincre que c’était la personne dont elle avait le portrait dans sa boîte de diamans. « Il n’est pas possible, disait-elle,