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LA PRINCESSE

choisissons-en une. — Très-volontiers, ma mie, dit le roi. Allons, qu’on les appelle toutes. » Voilà les nourrices qui viennent l’une après l’autre, faisant une belle révérence au roi et à la reine, puis elles se mettent en haie chacune contre un arbre. Après qu’elles se furent rangées, et que l’on eut admiré leur teint frais, leurs belles dents, et leurs seins remplis de bon lait, l’on voit venir dans une brouette, poussée par deux vilains petits nains, une laideron qui avait les pieds de travers, les genoux sous le menton ; une grosse bosse, les yeux louches, et la peau plus noire que l’encre : elle tenait entre ses bras un petit magot de singe, à qui elle donnait à téter, et elle parlait un jargon que l’on n’entendait pas. Elle vint à son tour pour s’offrir ; mais la reine la repoussant : « Allez, grosse laide, lui dit-elle, vous n’êtes qu’une mal apprise, de venir devant moi faite comme vous voilà ; si vous y restez davantage, je vous en ferai bien ôter. » Cette maussade passa, grommelant bien fort, et traînée par ses affreux petits nains, elle fut se ficher dans le creux d’un gros arbre, d’où elle pouvait tout voir.

La reine, qui ne songeait plus à elle, choisit une belle nourrice ; mais dès qu’elle l’eut nommée, voilà qu’un horrible serpent, qui était caché sous les herbes, la pique au pied ; elle tombe comme morte. La reine, bien chagrine de cet accident, jette les yeux sur une autre : aussitôt passe un aigle volant, qui tenait une tortue, il la laisse tomber sur la tête de la pauvre