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LA PRINCESSE

gneur Gambille, chancelier du royaume, prit la parole et dit :

« Sire, nous sommes tous désolés du malheur qui vous est arrivé, et nous voudrions avoir donné jusqu’à nos femmes et nos petits enfans, et que vous n’eussiez pas un si grand sujet de déplaisir ; c’est sans doute un tour de la fée Carabosse. Les vingt ans de la princesse n’étaient pas encore accomplis ; et, puisqu’il faut tout dire, j’ai remarqué qu’elle regardait à tous momens Fanfarinet, et qu’il la regardait aussi : peut-être que l’amour entre pour beaucoup dans ce qui s’est passé. »

À ces mots, la reine qui était fort prompte, l’interrompit : « Prenez garde à ce que vous avancez, lui dit-elle, seigneur Gambille ; sachez que la princesse n’est pas d’humeur à s’amouracher de Fanfarinet, je l’ai trop bien élevée. » Là-dessus la nourrice qui écoutait tout, vint se mettre à genoux devant le roi et la reine : « Je viens, dit-elle, vous avouer ce qui est arrivé. La princesse eut envie de voir Fanfarinet, ou de mourir ; nous fîmes un petit trou, par lequel elle l’aperçut, et sur-le-champ elle jura qu’elle n’en aurait jamais d’autre. » À ces nouvelles chacun s’affligea ; l’on connut bien que le chancelier Gambille avait beaucoup de pénétration. La reine toute dépitée gronda la nourrice, la sœur de lait, la remueuse, la berceuse et voulait les faire étrangler.

L’amiral Chapeau-Pointu interrompant la reine s’écria : « Allons, allons après Fanfari-