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ROSETTE.

fort en colère, eut beaucoup de peine à leur accorder cette grâce ; mais enfin il le voulut bien.

Pendant que toutes ces affaires se passaient à la cour, il faut dire quelque chose de la pauvre princesse Rosette. Dès qu’il fut jour, elle demeura bien étonnée, et Fretillon aussi de se voir au milieu de la mer sans bateau et sans secours. Elle se prit tant à pleurer qu’elle faisait pitié à tous les poissons : elle ne savait que faire, ni que devenir. « Assurément, disait-elle, j’ai été jetée dans la mer par l’ordre du roi des Paons ; il s’est repenti de m’épouser, et pour se défaire honnêtement de moi, il m’a fait noyer. Voilà un étrange homme ! continua-t-elle. Je l’aurais tant aimé ! Nous aurions fait si bon ménage ! » Là-dessus elle pleurait plus fort ; car elle ne pouvait s’empêcher de l’aimer.

Elle demeura deux jours ainsi flottante d’un côté et de l’autre de la mer, mouillée jusqu’aux enrhumée à mourir, et presque transie ; si ce n’avait été le petit Fretillon, qui lui réchauffait un peu le cœur, elle serait morte cent fois : elle avait une faim épouvantable. Elle vit des huitres à l’écaille, elle en prit tant qu’elle en voulut, et elle en mangea : Fretillon ne les aimait guères, il fallut pourtant bien qu’il s’en nourrit. Quand la nuit venait, la grande peur prenait à Rosette, et elle disait à son chien : « Fretillon, jappe toujours, de crainte que les soles ne nous mangent. »

Il avait jappé tout la nuit, et le lit de la princesse n’était pas bien loin du bord de l’eau.