Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
DON FERNAND

quens, que dom Francisque, qui se contraignait pour ne pas rire, était sur le point d’en étouffer. La comtesse de son côté leur faisait mille complimens, mais elle ne pouvait s’empêcher toutes les fois qu’ils prononçaient alla, de faire un petit signe de croix. Ce ne fut pas sans une reconnaissance extrême, qu’elle reçut de leurs mains des pièces d’étoffes de brocard, des éventails des coffres de la Chine, des pierres gravées d’un merveilleux travail, et d’autres raretés considérables, qu’ils avaient apportés pour elles et pour ses filles : ils leur dirent que c’étaient des choses communes en leur pays, et s’étudièrent à parler assez mal la langue espagnole, pour qu’on eût quelque peine à les entendre.

La bonne comtesse était transportée de tous ces honneurs ; mais pendant qu’ils l’entretenaient avec toutes les distractions que l’amour cause lorsque l’on voit ce que l’on aime, et quelque violence qu’ils se fissent pour ne pas regarder leurs maîtresses, ils attachèrent toujours les yeux sur elles. Dona Léonore sentait une secrète inquiétude qui ne laissait pas de flatter son cœur : elle n’en pouvait démêler la cause ; et bien qu’elle connût les yeux de dom Fernand, et qu’elle remarquât quelques-uns des traits de dom Jaime dans le visage d’un de ces Maures, quel moyen de les retrouver sous cette teinture si brune et sous des habits si extraordinaires ?

La comtesse les mena dans une grande galerie ornée de tableaux ; elle leur en fit remarquer