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LE NAIN

Pendant qu’elle parlait ainsi, l’amoureux roi ressentait une peine mortelle de s’éloigner avec tant de vitesse du cher objet de ses vœux. S’il avait moins connu le pouvoir de la fée, il aurait tout tenté pour se séparer d’elle, soit en lui donnant la mort, ou par quelqu’autre moyen que son amour et son courage lui auraient fourni ; mais que faire contre une personne si puissante ? il n’y avait que le temps et l’adresse qui pussent le retirer de ses mains.

La fée avait aperçu Toute-Belle, et cherchait dans les yeux du roi à pénétrer l’effet que cette vue aurait produit sur son cœur. « Personne ne peut mieux que moi vous apprendre, lui dit-il, ce que vous voulez savoir : la rencontre imprévue d’une princesse malheureuse et pour laquelle j’avais de l’attachement avant d’en prendre pour vous, m’a un peu ému ; mais vous êtes si fort au-dessus d’elle dans mon esprit, que j’aimerais mieux mourir que de vous faire une infidélité. — Ah ! prince, lui dit-elle, puis-je me flatter de vous avoir inspiré des sentimens si avantageux en ma faveur ? — Le temps vous en convaincra, madame, lui dit-il ; mais si vous vouliez me convaincre que j’ai quelque part dans vos bonnes grâces, ne me refusez point votre secours pour Toute-Belle. — Pensez-vous à ce que vous me demandez ? lui dit la fée en fronçant le sourcil et le regardant de travers ? Vous voulez que j’emploie ma science contre le Nain Jaune, qui est mon meilleur ami ; que je retire de ses mains une orgueilleuse prin-