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JAUNE.

vail merveilleux, plusieurs de l’ambre gris, du corail et des perles ; d’autres avaient sur leurs têtes des ballots d’étoffes d’un richesse inconcevable, quelques autres encore des fruits, des fleurs et jusqu’à des oiseaux. Mais que devint la fée, qui marchait après cette galante et nombreuse troupe, lorsqu’elle aperçut les joncs marins si semblables au roi des mines d’or que l’on n’y reconnaissait aucune différence. A cette vue, frappée d’étonnement, et de la plus vive douleur, elle jeta un cri si épouvantable qu’il pénétra les cieux, fit trembler les monts, et retentit jusqu’aux enfers. Mégère furieuse, Alecto, Tisiphone, ne sauraient prendre des figures plus redoutables que celle qu’elle prit. Elle se jeta sur le corps du roi, elle pleura, elle hurla, elle mit en pièces cinquante des plus belles personnes qui l’avaient accompagnée, les immolant aux mânes de ce cher défunt. Ensuite elle appela onze de ses sœurs qui étaient fées comme elle, les priant de lui aider à faire un superbe mausolée à ce jeune héros. Il n’y en eut pas une qui ne fût la dupe des joncs marins. Cet événement est assez propre à surprendre, car les fées savaient tout ; mais l’habile sirène en savait encore plus qu’elles.

Pendant qu’elles fournissaient le porphyre, le jaspe, l’agate et le marbre, les statues, les de vises, l’or et le bronze, pour immortaliser la mémoire du roi, qu’elles croyaient mort, il remerciait l’aimable sirène, la conjurant de lui accorder sa protection ; elle s’y engagea de la