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VERT.

comme elle s’arrêta fort proche du rivage, la princesse curieuse d’en voir toutes les beautés, entra dedans ; elle la trouva garnie de velours cramoisi à fond d’or, et ce qui servait de clous était fait de diamans : mais tout d’un coup cette barque s’éloigna du rivage ; la princesse, alarmée du péril qu’elle courait, prit les rames pour essayer d’y revenir ; ses efforts furent inutiles ; le vent qui soufflait éleva les flots ; elle perdit la terre de vue : n’apercevant plus que le ciel et la mer, elle s’abandonna à la fortune, persuadée qu’elle ne lui serait guère favorable, et que Magotine lui faisait encore ce mauvais tour. « Il faut que je meure, dit-elle ; quels mouvemens secrets me font craindre la mort ? Hélas ! jusqu’ici ai-je connu aucun des plaisirs qui peuvent la faire haïr ? ma laideur effraie jusqu’à mes proches parens ; ma sœur est une grande reine, et moi je suis reléguée au fond d’un désert, où pour toute compagnie j’ai trouvé un serpent qui parlait. Ne vaut-il pas mieux que je périsse que de traîner une vie languissante, telle qu’est la mienne ? »

Ces réflexions tarirent les larmes de la princesse. Elle regardait avec intrépidité de quel côté viendrait la mort, et elle semblait la convier de ne pas tarder, lorsqu’elle vit sur les flots un serpent qui s’approcha de sa barque, et lui dit : « Si vous étiez d’humeur à recevoir quelque secours d’un pauvre Serpentin Vert, tel que moi, je suis en état de vous sauver la vie. — La mort me fait moins de peur que toi,