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SERPENTIN

pour regarder ce roi invisible, si cher à son cœur. Mais quel cri épouvantable ne fit-elle pas, lorsqu’au lieu du tendre Amour, blond, blanc, jeune et tout aimable, elle vit l’affreux Serpentin Vert aux longs crins hérissés ? Il s’éveilla transporté de rage et de désespoir : « Barbare, s’écria-t-il, est-ce là la récompense de tant d’amour ? » La princesse ne l’entendait plus, la peur l’avait fait évanouir, et Serpentin était déjà bien loin.

Au bruit de toute cette tragédie, quelques pagodes étaient accourus ; ils couchèrent la princesse, la secoururent, et lorsqu’elle fut revenue, elle se trouva dans un état où l’imagination ne peut atteindre ; combien se reprochait-elle le mal qu’elle allait procurer à son mari ? Elle l’aimait tendrement, mais elle abhorrait sa figure, et elle aurait voulu pour la moitié de sa vie ne l’avoir pas vu.

Cependant ses tristes rêveries furent interrompues par quelques pagodes qui entrèrent d’un air effrayé dans sa chambre. Ils venaient l’avertir que plusieurs vaisseaux remplis de marionnettes, ayant Magotine à leur tête, étaient entrés sans obstacle dans le port. Les marionnettes et les pagodes sont ennemis de tout temps ; ils sont en concurrence sur mille choses, et les marionnettes ont même le privilége de parler partout, ce que les pagodes n’ont point. Magotine était leur reine ; l’aversion qu’elle avait pour le pauvre Serpentin Vert et pour l’infortunée Laidronette, l’obligea d’assembler des troupes, dans la résolution de