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BIENFAISANTE.

geux surprenait tout le monde : chacun la suivait ; et la foule devint si grande lorsqu’elle entra dans la ville, qu’elle eut beaucoup de peine à parvenir jusqu’au palais ; c’est en ce lieu que tout était dans la magnificence. Le roi, veuf depuis neuf ans, s’était enfin laissé fléchir aux prières de ses sujets ; il allait se marier à une princesse moins belle à la vérité que sa femme, mais qui ne laissait pas d’être fort agréable.

La bonne grenouille étant descendue de sa litière, entra chez le roi, suivie de tout son cortége. Elle n’eut pas besoin de demander audience : le monarque, sa fiancée et tous les princes avaient trop d’envie de savoir le sujet de sa venue pour l’interrompre : « Sire, dit-elle, je ne sais si la nouvelle que je vous apporte vous donnera de la joie ou de la peine ; les noces que vous êtes sur le point de faire, me persuadent votre infidélité pour la reine. — Son souvenir m’est toujours cher, dit le roi, en versant quelques larmes qu’il ne put retenir ; mais il faut que vous sachiez, gentille grenouille, que les rois ne font pas toujours ce qu’ils veulent : il y a neuf ans que mes sujets me pressent de me remarier, je leur dois des héritiers, ainsi j’ai jeté les yeux sur cette jeune princesse, qui me paraît toute charmante. — Je ne vous conseille pas de l’épouser, car la polygamie est un cas pendable ; la reine n’est point morte, voici une lettre écrite de son sang, dont elle m’a chargée : vous avez une petite princesse, Moufette, qui est plus belle que tous les cieux ensemble. »