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LA GRENOUILLE

a rien au monde que je ne fisse pour la ravoir. — Après les merveilles que j’ai faites devant vous, répliqua-t-elle, il me semble que vous devriez être plus persuadé de ce que je vous dis : laissez votre royaume avec de bons ordres, et ne différez pas à partir. Voici une bague qui vous fournira les moyens de voir la reine, et de parler à la fée Lionne, quoiqu’elle soit la plus terrible créature qui soit au monde. »

Le roi ne voyant plus la princesse qui lui était destinée, sentit que sa passion pour elle s’affaiblissait fort, et qu’au contraire celle qu’il avait eue pour la reine prenait de nouvelles forces.

Il partit sans vouloir être accompagné de personne et fit des présens très-considérables à la grenouille : « Ne vous découragez point, lui dit elle ; vous aurez de terribles difficultés à surmonter ; mais j’espère que vous réussirez dans ce que vous souhaitez. »

Le roi consolé par ces promesses, ne prit point d’autres guides que sa bague pour aller trouver sa chère reine. À mesure que Moufette grandissait, sa beauté se perfectionnait si fort que tous les monstres du lac de vif-argent en devinrent amoureux ; l’on voyait des dragons d’une figure épouvantable, qui venaient ramper à ses pieds. Bien qu’elle les eût toujours vus, ses beaux yeux ne pouvaient s’y accoutumer ; elle fuyait et se cachait entre les bras de sa mère : « Serons-nous long-temps ici ? lui disait elle ; nos malheurs ne finiront-ils point ? » La reine lui donnait de bonnes espérances pour la