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BIENFAISANTE.

de si grandes qualités, qu’il semblait être seul digne de posséder la merveilleuse Moufette. Le roi voulut bien les fiancer avant qu’il retournât à Moufy, où il était obligé d’aller donner des ordres pour son mariage ; mais il ne serait plutôt jamais parti, que de s’en aller sans des assurances certaines d’être heureux à son retour. La princesse Moufette ne put lui dire adieu sans répandre beaucoup de larmes ; elle avait je ne sais quels pressentimens qui l’affligeaient ; et la reine, voyant le prince accablé de douleur, lui donna le portrait de sa fille, le priant, pour l’amour d’eux tous, que l’entrée qu’il allait ordonner ne fût pas si magnifique, afin qu’il tardât moins à revenir. Il lui dit : « Madame, je n’ai jamais tant pris de plaisir à vous obéir, que j’en aurai dans cette occasion ; mon cœur y est trop intéressé pour que je néglige ce qui peut me rendre heureux. »

Il partit en poste ; et la princesse Moufette, en attendant son retour, s’occupait de la musique et des instrumens qu’elle avait appris à toucher depuis quelques mois, et dont elle S’acquittait merveilleusement bien. Un jour qu’elle était dans la chambre de la reine, le roi y entra le visage tout couvert de larmes, et prenant sa fille entre ses bras : « Ô mon enfant, s’écria-t-il, ô père infortuné ! ô malheureux roi ! » Il n’en put dire davantage : les soupirs coupèrent le fil de sa voix ; la reine et la princesse épouvantées lui demandèrent ce qu’il avait ; enfin il leur dit qu’il venait d’arriver