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AU BOIS.

rạit eu de la peine s’il n’avait pas été certain que rien au monde ne pouvait égaler la beauté de Désirée. Il courut dans son cabinet, et revint chez le roi ; il demeura presque aussi enchanté que son fils : « Ha ! dit-il, mon cher Guerrier, je consens à ce que vous souhaitez ; je rajeunirai lors que j’aurai une si aimable princesse à ma cour ; je vais dépêcher sur-le-champ des ambassadeurs à celle de la Noire, pour retirer ma parole : quand je devrais avoir une rude guerre contr’elle, j’aime mieux m’y résoudre. »

Le prince baisa respectueusement les mains de son père, et lui embrassa plus d’une fois les genoux. Il avait tant de joie qu’on le reconnais sait à peine ; il pressa le roi de dépêcher des ambassadeurs non-seulement à la Noire, mais aussi à la Désirée, et il souhaita qu’il choisit pour cette dernière l’homme le plus capable et le plus riche, parce qu’il fallait paraître dans une occasion si célèbre, et persuader ce qu’il désirait. Le roi jeta les yeux sur Becafigue ; c’était un jeune seigneur très-éloquent, qui avait cent millions de rente. Il aimait passionnément le prince Guerrier ; il fit, pour lui plaire, le plus grand équipage et la plus belle livrée qu’il pût imaginer. Sa diligence fut extrême ; car l’amour du prince augmentait chaque jour, et sans cesse il le conjurait de partir : « Songez, lui disait-il confidemment, qu’il y va de ma vie, que je perds l’esprit, lorsque je pense que le père de cette princesse peut prendre des engagemens avec quelqu’autre, sans vouloir les rompre en