Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
406
LA BICHE

nément et lui était fidèle : Longue-Epine, de tout temps sentait une jalousie secrète de son mérite et de son rang ; sa mère avait élevé la princesse ; après avoir été sa gouvernante, elle devint sa dame d’honneur : elle aurait dû l’aimer comme la chose du monde la plus aimable, quoiqu’elle chérissait sa fille jusqu’à la folie ; et voyant la haine qu’elle avait pour la belle princesse, elle ne pouvait lui vouloir du bien.

L’ambassadeur que l’on avait dépêché à la cour de la princesse Noire ne fut pas bien reçu, lorsqu’on apprit le compliment dont il était chargé ; cette Éthiopienne était la plus vindicative créature du monde ; elle trouva que c’était la traiter cavalièrement, après avoir pris des engagemens avec elle, de lui envoyer dire qu’on la remerciait. Elle avait vu un portrait du prince dont elle s’était entêtée, et les Éthiopiennes, quand elles se mêlent d’aimer, aiment avec plus d’extravagance que les autres : « Comment ; monsieur l’ambassadeur, dit-elle, est-ce que votre maître ne me croit pas assez riche et assez belle ? promenez-vous dans mes états vous trouverez qu’il n’en est guère de plus vastes ; venez dans mon trésor royal voir plus d’or que toutes les mines du Pérou n’en ont jamais fourni : enfin, regardez la noirceur de mon teint, nez écrasé, ces grosses lèvres, n’est-ce pas ainsi qu’il faut être pour être belle ? — Madame, répondit l’ambassadeur, qui craignait les bâtonnades (plus que tous ceux qu’on envoie à la Porte), je blâme mon maître autant qu’il est