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LA BICHE

les yeux de tous côtés, il marcha long-temps ; et comme il s’était échauffé, il fut ravi de trouver des pommes dont la couleur lui fit plaisir : il en cueillit, il en mangea, et presqu’aussitôt il s’endormit d’un profond sommeil ; il se jeta sur herbe fraîche, sous des arbres où mille oiseaux semblaient s’être donné rendez-vous.

Dans le temps qu’il dormait, notre craintive biche, avide des lieux écartés, passa dans celui où il était. Si elle l’avait aperçu plus tôt, elle l’aurait fui ; mais elle se trouva si proche de lui qu’elle ne put s’empêcher de le regarder, et son assoupissement la rassura si bien, qu’elle se donna le loisir de considérer tous ses traits. O dieux ! que devint-elle, quand elle le reconnut ! son esprit était trop rempli de sa charmante idée pour l’avoir perdue en si peu de temps : Amour, amour, que veux-tu donc ? faut-il que Bichette s’expose à perdre la vie par les mains de son amant ? Oui, elle s’y expose, il n’y a plus moyen de songer à sa sûreté. Elle se coucha à quelques pas de lui et ses yeux, ravis de le voir, ne pouvaient s’en détourner un moment : elle soupirait, elle poussait de petits gémissemens : enfin, devenant plus hardie, elle s’approcha encore davantage, elle le touchait lorsqu’il s’éveilla.

Sa surprise parut extrême, il reconnut la même biche qui lui avait donné tant d’exercice et qu’il avait cherchée long-temps ; mais la trouver si familière, lui paraissait une chose rare. Elle n’attendit pas qu’il eut essayé de la prendre,