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LA CHATTE

chambre d’une étoffe glacée d’or, brodée de petites émeraudes, qui formaient des chiffres. Les mains sans corps, approchèrent de lui une table, sur laquelle sa toilette fut mise. Rien n’était plus magnifique ; elles le peignèrent avec une légèreté et une adresse dont il fut fort content. Ensuite on le rhabilla, mais ce ne fut pas avec ses habits, on lui en apporta de beaucoup plus riches. Il admirait silencieusement tout ce qui se passait, et quelquefois il lui prenait de petits mouvemens de frayeur dont il n’était pas tout-à-fait le maître.

Après qu’on l’eut poudré, frisé, parfumé, paré, ajusté, et rendu plus beau qu’Adonis, les mains le conduisirent dans une salle superbe par ses dorures et ses meubles. On voyait au tour l’histoire des plus fameux chats ; Rodillardus, pendu par les pieds au conseil des rats ; Chat botté, marquis de Carabas ; le Chat qui écrit ; la Chatte devenue femme ; les Sorciers devenus chats, le sabbat et toutes ses cérémonies ; enfin rien n’était plus singulier que ces tableaux.

Le couvert était mis ; il y en avait deux, chacun garni de son cadenas d’or ; le buffet sur prenait par la quantité de vases de cristal de roche et de mille pierres rares.

Le prince ne savait pour qui ces deux couverts étaient mis, lorsqu’il vit des chats qui se placèrent dans un petit orchestre ménagé exprès : l’un tenait un livre avec des notes les plus extraordinaires du monde ; l’autre, un rouleau de papier dont il battait la mesure