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LA CHATTE

on lui disait qu’il y avait proche du lieu où elle passait, un ancien château de fées, le plus beau du monde, tout au moins qu’on le croyait tel par une tradition qui en était restée ; car d’ailleurs comme personne n’y entrait, on n’en pouvait juger ; mais qu’on savait très-sûrement que ces fées avaient dans leur jardin les meilleurs fruits, les plus savoureux et délicats qui se fussent jamais mangé.

» Aussitôt la reine ma mère eut une envie si violente d’en manger, qu’elle y tourna ses pas. Elle arriva à la porte de ce superbe édifice, qui brillait d’or et d’azur de tous les côtés ; mais elle y frappa inutilement, qui que ce soit ne parut, il semblait que tout le monde y était mort ; son envie augmentant par les difficultés, elle envoya querir des échelles, afin que l’on pût passer par-dessus les murs du jardin, et l’on en serait venu à bout, si ces murs ne se fussent haussés à vue d’œil, bien que personne n’y travaillât ; l’on attachait des échelles les unes aux autres ; elles rompaient sous le poids de ceux qu’on y faisait monter, et ils s’estropiaient ou se tuaient.

» La reine se désespérait. Elle voyait de grands arbres chargés de fruits qu’elle croyait délicieux, elle en voulait manger ou mourir ; de sorte qu’elle fit tendre des tentes fort riches devant le château, et elle y resta six semaines, avec toute sa cour. Elle ne dormait ni ne mangeait, elle soupirait sans cesse, elle ne parlait que des fruits du jardin inaccessible ; enfin elle tomba