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BLEU.

dont les murs étaient de diamans si clairs et si nets, qu’il vit au travers Soussio et Truitonne causer ensemble. Il croyait rêver. « Quoi, disait il, ai-je été trahi ? les démons ont-ils apporté cette ennemie de notre repos ? Vient-elle pour troubler mon mariage ? Ma chère Florine ne paraît point ! son père l’a peut-être suivie. » Il pensait mille choses qui commençaient à le désoler. Mais ce fut bien pis quand elles entrèrent dans la salle, et que Soussio lui dit d’un ton absolu : « Roi Charmant, voici la princesse Truitonne à laquelle vous avez donné votre foi ; elle est ma filleule, et je souhaite que vous l’épousiez tout à l’heure. — Moi, s’écria-t-il, moi, j’épouserais ce petit monstre ! Vous me croyez d’un naturel bien docile, quand vous me faites de telles propositions : sachez que je ne lui ai rien promis : si elle dit autrement, elle en a… — N’achevez pas ; interrompit Soussio, et ne soyez jamais assez hardi pour me manquer de respect. — Je consens, répliqua le roi, de vous respecter autant qu’une fée est respectable, pourvu que vous me rendiez ma princesse. — Est-ce que je ne la suis pas, parjure ? dit Truitonne en lui montrant sa bague. À qui as-tu donné cet anneau pour gage de ta foi ? À qui as-tu parlé à la petite fenêtre, si ce n’est à moi ? — Comment donc, reprit-il, j’ai été déçu et trompé ? Non, non, je n’en serai point la dupe. Allons, allons mes grenouilles, mes grenouilles, je veux partir tout à l’heure.