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BLEU.

porter que du noir, ou plutôt qu’elle voulait présentement mourir. Elle s’évanouit, et la cruelle reine, ravie d’avoir si bien réussi, ne permit pas qu’on la secourût : elle la laissa seule dans le plus déplorable état du monde, et fut conter malicieusement au roi, que sa fille était si transportée de tendresse, que rien n’égalait les extravagances qu’elle faisait ; qu’il fallait bien se donner de garde de la laisser sortir de la tour. Le roi lui dit qu’elle pouvait gouverner cette affaire à sa fantaisie, et qu’il en serait toujours satisfait.

Lorsque la princesse revint de son évanouissement, et qu’elle réfléchit sur la conduite qu’on tenait avec elle, aux mauvais traitemens qu’elle recevait de son indigne marâtre, et à l’espérance qu’elle perdait pour jamais d’épouser le roi Charmant, sa douleur devint si vive qu’elle pleura toute la nuit ; en cet état elle se mit à sa fenêtre, où elle fit des regrets fort tendres et fort touchans. Quand le jour, approcha, elle la ferma, et continua de pleurer. La nuit suivante elle ouvrit la fenêtre, elle poussa de profonds soupirs et des sanglots ; elle versa un torrent de larmes : le jour vint ; elle se cacha dans sa chambre. Cependant le roi Charmant, ou pour mieux dire le bel Oiseau Bleu, ne cessait point de voltiger autour du palais : il jugeait que sa chère princesse y était renfermée ; et si elle faisait de tristes plaintes, les siennes ne l’étaient pas moins : il s’approchait des fenêtres le plus qu’il pouvait, pour regarder