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LE MOUTON

pris une robe bleue ? — Monseigneur, dit la princesse, pour marquer qu’il fallait sans cesse implorer les dieux en votre faveur, et qu’en vous voyant, je crois voir le ciel et les plus beaux astres. — Comment, dit le roi, vous parlez comme un oracle. Et vous, Merveilleuse, quelle raison avez-vous eue pour vous habiller de blanc ? — Monseigneur, dit-elle, parce que cela me sied mieux que les autres couleurs. — Comment, dit le roi fort fâché, petite coquette, vous n’avez eu que cette intention ? — J’avais celle de vous plaire, dit la princesse, il me semble que je n’en dois point avoir d’autre. Le roi, qui l’aimait, trouva l’affaire si bien accommodée, qu’il dit que ce petit tour d’esprit lui plaisait, et qu’il y avait même de l’art à n’avoir pas déclaré tout d’un coup sa pensée. Ô çà, dit-il, j’ai bien soupé, je ne veux pas me coucher si tôt ; contez-moi les rêves que vous avez faits la nuit qui a précédé mon retour.

L’aînée dit qu’elle avait songé qu’il lui apportait une robe, dont l’or et les pierreries brillaient plus que le soleil. La seconde, qu’elle avait songé qu’il lui apportait une robe et une quenouille d’or pour lui filer des chemises. La cadette dit qu’elle avait songé qu’il mariait sa seconde sœur, et que le jour des noces, il tenait une aiguière d’or, et qu’il lui disait, venez, Merveilleuse, venez que je vous donne à laver.

Le roi indigné de ce rêve, fronça le sourcil, et fit la plus laide grimace du monde ; chacun connut qu’il était fâché. Il entra dans sa chambre ; il se mit brusquement au lit ; le songe de sa fille lui revenait toujours dans la tête. Cette petite insolente, disait-il, voudrait me réduire à devenir