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LE MOUTON

Cependant, l’appréhension d’être arrêtée l’empêcha de rester jusqu’à la fin de la cérémonie ; elle sortit brusquement, et laissa un petit coffre de corail garni d’émeraudes ; on voyait écrit dessus en pointes de diamants : Pierreries pour la mariée. On l’ouvrit aussitôt, et que n’y trouva-t-on pas ? Le roi qui avait espéré de la rejoindre et qui brûlait de la connaître, fut au désespoir de ne plus la voir ; il ordonna absolument que, si jamais elle revenait, on fermât toutes les portes sur elle, et qu’on la retint.

Quelque courte que fut l’absence de Merveilleuse, elle avait semblé au mouton de la longueur d’un siècle. Il l’attendait au bord d’une fontaine, dans le plus épais de la forêt ; il y avait fait étaler des richesses immenses pour les lui offrir en reconnaissance de son retour. Dès qu’il la vit, il courut vers elle, sautant et bondissant comme un vrai mouton ; il lui fit mille tendres caresses, il se couchait à ses pieds, il baisait ses mains, il lui racontait ses inquiétudes et ses impatiences ; sa passion lui donnait une éloquence dont la princesse était charmée.

Au bout de quelque temps, le roi maria sa seconde fille. Merveilleuse l’apprit, et elle pria le mouton de lui permettre d’aller voir, comme elle avait déjà fait, une fête où elle s’intéressait si fort. À cette proposition, il sentit une douleur dont il ne fut point le maître, un pressentiment secret lui annonçait son malheur ; mais comme il n’est pas toujours en nous de l’éviter, et que sa complaisance pour la princesse l’emportait sur tous les autres intérêts, il n’eut pas la force de la refuser. — Vous vou-