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FINETTE CENDRON.

œufs frais. Quand les trois princesses le virent, elles tremblaient sous la cuve, elles n’osaient pleurer bien haut, de peur qu’il ne les entendît ; mais elles s’entre-disaient tout bas : Il va nous manger tout en vie, comment nous sauverons-nous ? L’ogre dit à sa femme : Vois-tu, je sens chair fraîche, je veux que tu me la donnes. — Bon, dit l’ogresse, tu crois toujours sentir chair fraîche, et ce sont tes moutons qui sont passés par là. — Oh ! je ne me trompe point, dit l’ogre, je sens chair fraîche assurément ; je vais chercher partout. — Cherche, dit-elle, et tu ne trouveras rien. — Si je trouve, répliqua l’ogre, et que tu me le caches, je te couperai la tête pour en faire une boule. Elle eut peur de cette menace, et lui dit : Ne te fâche point, mon petit ogrelet, je vais te déclarer la vérité. Il est venu aujourd’hui trois jeunes fillettes que j’ai prises, mais ce serait dommage de les manger, car elles savent tout faire. Comme je suis vieille, il faut que je me repose ; tu vois que notre belle maison est fort malpropre, que notre pain n’est pas cuit, que la soupe ne te semble plus si bonne, et que je ne te parais plus si belle, depuis que je me tue de travailler ; elles seront mes servantes ; je te prie, ne les mange pas à présent ; si tu en as envie quelque jour, tu en seras assez le maître.

L’ogre eut bien de la peine à lui promettre de ne les pas manger tout à l’heure. Il disait : Laisse-moi faire, je n’en mangerai que deux. — Non, tu n’en mangeras pas. — Eh bien, je ne mangerai que la plus petite. Et elle disait : Non, tu n’en mangeras pas une ! Enfin après bien des contestations, il lui promit de ne les pas manger. Elle pensait