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FINETTE CENDRON.

ne répétaient que les louanges de Cendron ; l’on n’avait pas assez d’yeux pour la regarder, assez de bouche pour la louer.

Fleur-d’Amour et Belle-de-Nuit, qui avaient fait d’abord grand fracas dans les lieux où elles avaient paru, voyant l’accueil que l’on faisait à cette nouvelle venue, en crevaient de dépit ; mais Finette se démêlait de tout cela de la meilleure grâce du monde, il semblait, à son air, qu’elle n’était faite que pour commander. Fleur-d’Amour et Belle-de-Nuit qui ne voyaient leur sœur qu’avec de la suie de cheminée sur le visage, et plus barbouillée qu’un petit chien, avaient si fort perdu l’idée de sa beauté, qu’elles ne la reconnurent point du tout ; elles faisaient leur cour à Cendron comme les autres. Dès qu’elle voyait le bal prêt à finir, elle sortait vite, revenait à la maison, se déshabillait en diligence, reprenait ses guenilles ; et quand ses sœurs arrivaient : Ah ! Finette ! nous venons de voir, lui disaient-elles, une jeune princesse qui est toute charmante ; ce n’est pas une guenuche comme toi ; elle est blanche comme la neige, plus vermeille que les roses, ses dents sont de perles, ses lèvres de corail ; elle a une robe qui pèse plus de mille livres, ce n’est qu’or et diamants : qu’elle est belle, qu’elle est aimable ! » Finette répondait entre ses dents : Ainsi j’étais, ainsi j’étais. Qu’est-ce que tu bourdonnes, disaient-elles. Finette répliquait encore plus bas : Ainsi j’étais. Ce petit jeu dura longtemps ; il n’y eut presque pas de jour que Finette ne changeât d’habits, car la cassette était fée, et plus on y en prenait, plus il en revenait, et si fort à la mode, que les dames ne s’habillaient que sur son modèle.