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L’OISEAU BLEU.

grande quantité de pierreries ; et partit une nuit toute seule, sans que personne sût où elle allait.

L’enchanteur qui prenait soin des affaires du roi Charmant, n’ayant pas assez de pouvoir pour détruire ce que Soussio avait fait, s’avisa de l’aller trouver, et de lui proposer quelqu’accommodement, en faveur duquel elle rendrait au roi sa figure naturelle ; il prit les grenouilles, et vola chez la fée, qui causait dans ce moment avec Truitonne.

D’un enchanteur à une fée il n’y a que la main ; ils se connaissaient depuis cinq ou six cents ans, et dans cet espace de temps ils avaient été mille fois bien et mal ensemble. Elle le reçut très agréablement : Que veut mon compère ? lui dit-elle (c’est ainsi qu’ils se nomment tous) : Y a-t-il quelque chose pour son service qui dépende de moi ? — Oui, ma commère, dit le magicien, vous pouvez tout pour ma satisfaction ; il s’agit du meilleur de mes amis, d’un roi que vous avez rendu infortuné. — Ha, ha, je vous entends, compère, s’écria Soussio, j’en suis fâchée ; mais il n’y a point de grâce à espérer pour lui, s’il ne veut épouser ma filleule ; la voilà belle et jolie, comme vous voyez qu’il se consulte.

L’enchanteur pensa demeurer muet, tant il la trouva laide ; cependant il ne pouvait se résoudre à s’en aller sans régler quelque chose avec elle, parce que le roi avait couru mille risques depuis qu’il était en cage. Le clou qui l’accrochait s’était rompu ; la cage était tombée, et sa majesté emplumée souffrit beaucoup de cette chute ; Minet qui se trouva dans la chambre lorsque cet accident arriva,