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L’OISEAU BLEU.

lui reprocher son infidélité, elle n’en avait point imaginé de meilleur moyen.

On la mena dans le cabinet par ordre de Truitonne : elle commença ses plaintes et ses regrets. Le malheur dont je voulais douter, n’est que trop certain, cruel Oiseau Bleu, dit-elle ! tu m’as oubliée, tu aimes mon indigne rivale ! Les bracelets que j’ai reçus de ta déloyale main, n’ont pu me rappeler à ton souvenir. Les valets de chambre l’avaient entendue toute la nuit gémir et soupirer : ils le dirent à Truitonne qui lui demanda quel tintamarre elle avait fait. La reine lui dit qu’elle dormait si bien, qu’ordinairement elle rêvait et qu’elle parlait très souvent tout haut. Pour le roi il ne l’avait point entendue, par une fatalité étrange. C’est que depuis qu’il avait aimé Florine, il ne pouvait plus dormir ; et lorsqu’il se mettait au lit pour prendre quelque repos, on lui donnait de l’opium.

La reine passa une partie du jour dans une étrange inquiétude. S’il m’a entendue, disait-elle, se peut-il une indifférence plus cruelle ? S’il ne m’a pas entendue, que ferai-je pour parvenir à me faire entendre ? Il ne se trouvait plus de raretés extraordinaires, car des pierreries sont toujours belles ; mais il fallait quelque chose qui piquât le goût de Truitonne : elle eut recours à ses œufs. Elle en cassa un ; aussitôt il en sortit un petit carrosse d’acier poli, garni d’or de rapport : il était attelé de six souris vertes, conduites par un raton couleur de rose, et le postillon, qui était aussi de famille ratonnienne, était gris de lin. Il y avait dans ce carrosse quatre marionnettes plus fringantes et plus spirituelles que toutes celles qui parais-