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LA CHATTE BLANCHE.

avec vous, à toutes les grandeurs que j’ai lieu de me promettre ailleurs. — Fils de roi, reprit Chatte blanche, je suis persuadée de la bonté de ton cœur ; c’est une marchandise rare parmi les princes, ils veulent être aimés de tout le monde, et ne veuleut rien aimer ; máis tu montres assez que la règle générale a son exception. Je te tiens compte de l’attachement que tu témoignes pour une petite Chatte blanche, qui dans le fond n’est propre à rien qu’à prendre des souris. Le prince lui baisa la patte et partit.

L’on aurait de la peine à croire la diligence qu’il fit, si l’on ne savait de quelle manière le cheval de bois l’avait déjà porté au palais du roi son père. Quoiqu’il eût été, cette fois, retardé dans sa marche par la suite nombreuse que Chatte blanche lui avait donnée, il arriva pourtant au moment où ses deux frères aînés étaient en présence du roi ; de sorte que, ne voyant point paraître leur cadet, ils s’applaudissaient de sa négligence et se disaient tout bas l’un à l’autre : Voilà qui est bien heureux, il est mort ou malade, il ne sera point notre rival dans l’affaire importante qui va se traiter. Aussitôt ils déployèrent leurs toiles, qui à la vérité étaient si fines, qu’elles passaient dans le trou d’une grosse aiguille, mais pour dans une petite cela ne se pouvait ; et le roi, très aise de ce prétexte de dispute, leur montra l’aiguille qu’il avait proposée, et que les magistrats, par son ordre, apportèrent du trésor de la ville où elle avait été soigneusement enfermée.

Il y avait beaucoup de murmure sur cette dispute. Les amis des princes, et particulièrement ceux de l’aîné, car c’était sa toile qui était la plus belle, disaient que c’était là