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LA CHATTE BLANCHE.

lui faire perdre courage ; cependant il ouvrit le grain de millet, et l’étonnement de tout le monde ne fut pas petit, quand il en tira une pièce de toile de quatre cents aunes, si merveilleuse, que tous les oiseaux, les animaux et les poissons y étaient peints avec les arbres, les fruits et les plantes de la terre. Lorsque le roi vit cette pièce de toile, il devint aussi pâle que le prince était devenu rouge de la chercher si longtemps. L’on présenta l’aiguille, et elle y passa et repassa six fois. Le roi et les deux princes aînés gardaient un morne silence, quoique la beauté et la rareté de cette toile les forçât de temps en temps de dire que tout ce qui était dans l’univers ne lui était pas comparable.

Le roi poussa un profond soupir, et se tournant vers ses enfants : Rien ne peut, leur dit-il, me donner tant de consolation dans ma vieillesse, que de reconnaître votre déférence pour moi ; je souhaite donc que vous vous mettiez à une nouvelle épreuve. Allez encore voyager un an, et celui qui au bout de l’année ramènera la plus belle fille l’épousera et sera couronné roi. Je jure que je ne différerai plus à donner la récompense que j’ai promise.

Toute l’injustice roulait sur notre prince ; mais il était si bien né, qu’il ne voulut point contrarier la volonté de son père, et sans différer il remonta dans sa calèche. Tout son équipage le suivit et il retourna auprès de sa chère Chatte blanche ; elle savait le jour et le moment qu’il devait arriver : tout était jonché de fleurs sur le chemin. Elle était assise sur un tapis de Perse et sous un pavillon de drap d’or, dans une galerie où elle pouvait le voir revenir.