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LA CHATTE BLANCHE.

vons point d’enfants, vous savez à quel point j’en désire, et pour manger deux ou trois pommes, vous avez été capable de promettre votre fille ! Il faut que vous n’ayez aucune amitié pour moi. Là-dessus il la fit enfermer dans une tour, et mit des gardes de tous côtés, pour empêcher qu’elle n’eût commerce avec qui que ce fût au monde.

La mauvaise intelligence du roi et de la reine jeta la cour dans une consternation infinie. Chacun quitta ses riches habits pour en prendre de conformes à la douleur générale. Le roi, de son côté, paraissait inexorable ; il ne voyait plus sa femme, et sitôt que je fus née, il me fit apporter dans son palais pour y être nourrie. Les fées n’ignoraient rien de ce qui se passait ; elles s’en irritèrent, elles voulaient m’avoir, elles me regardaient comme leur bien, et que c’était leur faire un vol que de me retenir. Avant que de chercher une vengeance proportionnée à leur chagrin, elles envoyèrent une célèbre ambassade au roi pour le prier de me donner à leurs ambassadeurs, afin d’être nourrie et élevée parmi elles. Les ambassadeurs étaient si petits et si contrefaits, qu’ils n’eurent pas le don de persuader ce qu’ils voulaient au roi. Il les refusa rudement.

Quand les fées surent le procédé de mon père, elles s’indignèrent autant qu’on peut l’être ; et après avoir envoyé dans ses six royaumes tous les maux qui pouvaient les désoler, elles lâchèrent un dragon épouvantable, qui remplissait de venin les endroits où il passait et qui mangeait les hommes et les enfants.

Le roi se trouva dans la dernière désolation : il avait pour amie une fée qui était fort vieille, et ne se levait