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LA CHATTE BLANCHE.

ma fenêtre ? je demeurai agréablement surprise d’apercevoir au pied de la tour le jeune chevalier. Il me parla avec une espèce de trompette qui porte la voix, et, par son secours, il me demanda si je trouverais bon qu’il vint tous les jours à la même heure sous mes fenêtres, et que si je le voulais bien, je lui jetasse quelque chose. J’avais une bague de turquoise, je la lui jetai avec beaucoup de précipitation, lui faisant signe de s’éloigner en diligence ; c’est que j’entendais de l’autre côté la fée Violente qui montait sur son dragon pour m’apporter à déjeuner.

La première chose qu’elle dit en entrant, ce furent ces mots : Je sens ici la voix d’un homme, cherche, dragon. Oh ! que devins-je ! j’étais transie de peur qu’il ne passât par l’autre fenêtre, et qu’il ne suivît le chevalier pour lequel je m’intéressais déjà beaucoup. En vérité, dis-je, ma bonne maman, vous plaisantez quand vous me dites que vous sentez la voix d’un homme : est-ce que la voix sent quelque chose ? et quand cela serait, quel est le mortel assez téméraire pour hasarder de monter dans cette tour ?

— Ce que tu dis est vrai, ma fille, répondit-elle, je suis ravie de te voir raisonner si joliment. Elle me donna mon déjeuner et ma quenouille. Quand tu auras mangé, ne manque pas de filer, car tu ne fis rien hier, me dit-elle, et mes sœurs se fâcheraient.

Dès qu’elle fut partie, je jetai la quenouille et montai sur la terrasse, pour découvrir de plus loin la campagne. J’avais une lunette d’approche excellente ; rien ne bornait ma vue, je regardais de tous côtés, lorsque je découvris mon chevalier sur le haut d’une montagne ; il était entouré d’une