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LA CHATTE BLANCHE.

je crus aisément que c’était une fée ou un enchanteur. Peu après la fée Violente entra dans ma chambre : Je t’apporte de bonnes nouvelles, me dit-elle, ton fiancé est arrivé depuis quelques heures ; prépare-toi à le recevoir ; voici des habits et des pierreries. Eh ! qui vous a dit, m’écriai-je, que je voulais être mariée ? ce n’est point du tout mon intention ; renvoyez le roi Migonnet, je n’en mettrais pas une épingle davantage : qu’il me trouve belle ou laide, je ne suis point pour lui. — Quais, ouais, dit la fée en colère, quelle petite révoltée ! quelle tête sans cervelle ! je n’entends pas raillerie, et je te… — Que me ferez-vous ? répliquai-je. Peut-on être plus tristement nourrie que je le suis, dans une tour avec un perroquet et un chien ? — Ah ! petite ingrate, dit la fée, méritais-tu tant de soins et de peines ? Je ne l’ai que trop dit à mes sœurs, que nous en aurions une triste récompense. Elle fut les trouver, et leur raconta notre différend ; elles restèrent aussi surprises les unes que les autres.

Je me sentais si fière de posséder le cœur d’un grand roi, que je méprisais les fées. Je ne m’habillai point, et j’affectai de me coiffer de travers, afin que Migonnet me trouvât désagréable. Notre entrevue se fit sur la terrasse. Il y vint dans son chariot de feu : jamais, depuis qu’il y a des nains, il ne s’en est vu un si petit. Il marchait sur ses pieds d’aigle, et se soutenait sur deux béquilles de diamant. Son manteau royal n’avait qu’une demi-aune de long, et traînait de plus d’un tiers. Sa tête était grosse comme un boisseau, et son nez si grand, qu’il portait dessus une douzaine d’oiseaux dont le ramage le réjouissait : ses