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LA CHATTE BLANCHE.

de bon ? Je me moquai de ses alarmes, et j’attendis mon cher époux ; il vint bientôt, et je lui jetai l’échelle de corde, bien résolue de m’en retourner avec lui : il monta légèrement, et me dit des choses fort aimables.

Comme nous parlions ensemble avec la même tranquillité que nous aurions eue dans son palais, nous vîmes enfoncer tout d’un coup les fenêtres de ma chambre. Les fées entrèrent sur leur terrible dragon ; Migonnet les suivait dans son chariot de feu, et tous ses gardes avec leurs autruches. Le roi, sans s’effrayer, mit l’épée à la main, et ne chercha qu’à me garantir de la plus furieuse aventure qui se soit jamais passée ; car enfin, vous le dirai-je, seigneur, ces barbares créatures poussèrent leur dragon sur lui, et à mes yeux il le dévora.

Désespéré de son malheur et du mien, je me jetai dans la gueule de cet horrible monstre, voulant qu’il m’engloutît, comme il venait d’engloutir tout ce que j’aimais au monde. Il le voulait bien aussi ; mais les fées, encore plus cruelles que lui, ne le voulurent pas. Il faut, s’écrièrent-elles, la réserver à de plus longues peines, une prompte mort est trop douce pour cette indigne créature. Elles me touchèrent, je me vis aussitôt sous la figure d’une Chatte blanche ; elles me conduisirent dans ce superbe palais, qui était à mon père ; elles métamorphosèrent tous les seigneurs et toutes les dames du royaume en chats et en chattes ; elles en laissèrent à qui l’on ne voyait que les mains, et me réduisirent dans le déplorable état où vous me voyez, en me faisant savoir que je ne serais délivrée de ma chatonique figure, que par un prince qui ressemble-