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LE RAMEAU D’OR

contre lequel il s’appuya, il serait tombé de toute sa hauteur. En effet, il la reconnut pour cette même personne dont il avait admiré la beauté sur les vitres de la galerie et dans le livre de vélin ; car le lecteur ne doute pas que ce berger ne soit le prince Sans-Pair. Un pouvoir inconnu l’avait arrêté dans cette contrée ; il s’était fait admirer de tous ceux qui l’avaient vu. Son adresse en toutes choses, sa bonne mine et son esprit, ne le distinguaient pas moins entre les autres bergers, que sa naissance l’aurait distingué ailleurs.

Il attacha ses yeux sur Brillante avec une attention et un plaisir qu’il n’avait point ressenti jusqu’alors. Il se mit à genoux auprès d’elle ; il examinait cet assemblage de beauté, qui la rendait toute parfaite ; et son cœur fut le premier qui paya le tribut qu’aucun autre depuis n’osa lui refuser. Comme il rêvait profondément, Brillante s’éveilla ; et voyant Sans-Pair proche d’elle avec un habit de pasteur extrêmement galant, elle le regarda, et rappela aussitôt son idée parce qu’elle avait vu son portrait dans la tour. — Aimable bergère, lui dit-il, quelle heureuse destinée vous conduit ici ? Vous y venez, sans doute, pour recevoir notre encens et nos vœux. Ah ! je sens déjà que je serai le plus empressé à vous rendre mes hommages. — Non, berger, lui dit-elle, je ne prétends point exiger des honneurs qui ne me sont pas dus ; je veux demeurer simple bergère, j’aime mon troupeau et mon chien. La solitude a des charmes pour moi, je ne cherche qu’elle. — Quoi ! jeune bergère en arrivant en ces lieux vous y apportez le dessein de vous cacher aux mortels qui les ha-