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FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

du 9 juillet 1910 [24]




EMMA


par Jane Austen


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Traduction de M. PIERRE DE PULIGA


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Emma dut reconnaître que les traits du visage étaient plus parfaits chez l’original que dans sa mémoire ; on ne pouvait nier la beauté des grands yeux gris ombrés de longs cils ; et même le teint, dont elle se complaisait à souligner la pâleur, avait acquis une fraîcheur et un éclat que rehaussait la délicatesse de l’épiderme. La distinction était la note caractéristique de ce genre de beauté et Emma ne se sentait pas le courage de renier ses principes au point de ne pas admirer, fut-ce chez Jane Fairfax, un don qu’elle prisait par dessus tout.

En somme, pendant cette première visite chez les Bates elle ne cessa de regarder Jane avec complaisance ; outre le plaisir des yeux, elle éprouvait la satisfaction de réparer son injustice, et elle résolut de ne plus se laisser aller à son antipathie irraisonnée. Elle ne pouvait s’empêcher de ressentir du respect et de la compassion en considérant le sort qui était réservé à tant de beauté et d’élégance. Emma n’hésita pas à renoncer à l’idée de séduction vis-à-vis de M. Dixon que son imagination lui


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