Page:Austen - Emma.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cependant lorsqu’elle descendit de voiture en face de la grande allée, bordée de pommiers en espalier, aboutissant à la porte d’entrée ; la vue de tout ce qui lui avait procuré tant de plaisir l’automne précédent, lui causa une douce émotion, Emma continua sa route ayant décidé de profiter de l’occasion pour aller voir une vieille domestique mariée et retirée à Donwell. Un quart d’heure après la voiture s’arrêtait de nouveau devant la grille blanche ; au bout de deux minutes Henriette apparaissait sur le perron accompagnée par une des demoiselles Martin qui prenait congé d’elle avec une politesse cérémonieuse.

Henriette, en prenant place à côté d’Emma, était trop émotionnée pour pouvoir donner un compte rendu satisfaisant de la visite, mais peu à peu elle retrouva ses esprits et put faire part de ses impressions à sa compagne :

— Je n’ai vu que Mme Martin et les jeunes filles et j’ai été reçue plutôt froidement ; la conversation a d’abord roulé sur des lieux communs ; tout à fait sur la fin, pourtant, le ton est devenu soudain plus cordial à la suite d’une remarque de Mme Martin sur ma taille ; dans cette même chambre nous avions été mesurées il y a un an : les marques au crayon et les dates étaient encore visibles sur le chambranle de la porte-fenêtre ; c’était M. Martin qui avait fait les inscriptions ; elles semblaient toutes trois se rappeler le jour, l’heure, l’occasion et être prêtes à revenir aux mêmes sentiments de bon accord ; elles commençaient précisément à retrouver, leurs anciennes manières lorsque la voiture réapparut et tout fut fini.

Emma ne pouvait se dissimuler combien les dames Martin avaient dû être offensées ; quatorze minutes à consacrer à celles avec qui, six mois auparavant, Henriette avait été heureuse de passer six semaines ! Elle regrettait sincèrement que les Martin n’occupassent pas un rang social plus élevé, mais, au degré où ils se trouvaient placés, aucune concession n’était possible.

Emma éprouva le besoin d’une diversion et