— L’habitude facilite la tâche des employés ; à dire vrai, ils sont payés pour être perspicaces, c’est le secret de leur compétence. Le public fait les frais et entend être bien servi.
À ce moment, la conversation devint générale et le sujet des différentes écritures fut discuté.
— J’ai remarqué, dit John Knightley que, dans une famille – les filles surtout – acquièrent généralement le même type d’écriture. Isabelle et Emma, par exemple, écrivent d’une façon identique.
— Oui, répondit son frère avec hésitation, il y a une ressemblance ; je vois ce que vous voulez dire, mais l’écriture d’Emma est plus ferme.
— Isabelle et Emma écrivent toutes les deux parfaitement, dit M. Woodhouse, et la pauvre Mme Weston a également une écriture très élégante, ajouta-t-il en se tournant vers cette dernière avec un soupir de regret.
— Pour ma part, commença Emma, je n’ai jamais vu une écriture d’homme…
Ce discours était adressé à Mme Weston, mais celle-ci était occupée à parler à son voisin, et Emma dut interrompre sa phrase. Pendant cette pause, elle eut le temps de réfléchir :
— Allons, pensa-t-elle, voici l’occasion de mettre Frank Churchill sur la sellette ; suis-je capable de prononcer son nom simplement, devant tout le monde ? Devrai-je, au contraire, recourir à une périphrase : « Votre ami du Yorkshire, votre correspondant d’Enscombe, par exemple. » J’agirais ainsi, je crois, si mon cœur était en jeu ; mais ce n’est pas le cas, car je n’éprouve pas la moindre gêne. »
Aussitôt que Mme Weston eut retrouvé sa liberté, Emma reprit :
— M. Frank Churchill a une des plus belles écritures masculines que je connaisse.
— Je ne l’admire pas, repartit M. Knightley, elle est trop menue, presque féminine.
Emma ni Mme Weston ne voulurent admettre cette condamnation. La première répondit :