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FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

du 12 août 1910 [54]




EMMA


Par Jane Austen


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Traduction de M. PIERRE DE PULIGA


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Devant cette assurance, Emma retrouva son sang-froid et elle continua sa route.

— J’ai eu tort, continua-t-il, d’employer cette expression ; je suis seul en cause, du moins nous l’espérons. Hum !… En un mot, ma chère Emma, il n’y a aucune raison de vous tourmenter à ce point. Je ne dis pas que ce ne soit pas une affaire désagréable, mais les choses pourraient être pires. Si nous marchons vite, vous serez renseignée avant peu.

Emma se résigna sans grand effort. Elle supposa que l’argent devait être en cause ; on avait sans doute reçu d’Enscombe de fâcheuses nouvelles ; peut-être à la suite de la mort de Mme Churchill l’existence de plusieurs enfants naturels avait-elle été révélée et le pauvre Frank se trouvait-il, de ce fait, déshérité ! Emma avec calme envisageait les diverses hypothèses et ne prévoyait pas que la réalité dût lui apporter des souffrances personnelles.

— Quel est ce monsieur à cheval ? dit-elle, parlant plus pour aider M. Weston à garder son secret que par intérêt véritable.

— Je ne sais pas : sans doute un des Otway. Ce n’est pas Frank, je puis vous l’assurer. Il est maintenant à moitié chemin de Windsor.

— Votre fils est donc venu vous voir ?

— Mais oui. Ne le saviez-vous pas ? Bien, bien, cela n’a pas d’importance, du reste !

Il se tut pour un instant et il ajouta d’un ton beaucoup plus réservé :

— Oui, Frank est venu pour prendre de nos nouvelles.


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