Page:Austen - Emma.djvu/357

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sa lecture d’un sourire, d’un regard, d’un mouvement de tête, d’un mot d’approbation, d’une critique ou d’un aveu d’amour suivant l’occasion. Il finit en disant, après avoir mûrement réfléchi :

— Mauvais ! Encore que ce pourrait être pire ! Il jouait un jeu très dangereux. Il ne peut du reste être juge de ses manières envers vous. En somme, emporté par ses propres désirs, il se souciait fort peu des conséquences et n’avait en vue que son intérêt. Il s’imaginait que vous aviez percé son secret ! C’était prêter aux autres son esprit d’intrigue ! Ma chère Emma, ne voyons-nous pas là combien essentielle est la sincérité dans nos rapports avec nos semblables ?

Emma acquiesça et rougit en pensant à Henriette ; ne pouvant donner une explication véridique de son trouble, elle suggéra :

— Vous ferez bien de continuer.

Il reprit sa lecture mais il s’arrêta bientôt pour dire :

— Le piano ! Ah ! ce fut l’acte d’un novice ! Il n’avait pas réfléchi que les inconvénients de cet envoi pourraient de beaucoup excéder le plaisir. Le paragraphe concernant l’attitude du jeune homme à l’égard de Mlle Fairfax, appela une nouvelle remarque.

— Je partage entièrement votre avis, Monsieur, dit-il.

— Vous avez raison d’avoir honte de votre conduite.

Après avoir lu les lignes suivantes où Frank Churchill expliquait le point de départ de leurs malentendus et blâmait sa persistance à agir contre le gré de Jane Fairfax, M. Knightley reprit :

— Voici de bien pauvres arguments ! Il l’avait induite à se placer dans une situation extrêmement difficile et périlleuse et il aurait dû s’appliquer à lui éviter toute souffrance inutile ; pour correspondre avec lui elle avait à surmonter des difficultés de tous genres auxquelles il n’était pas exposé : un homme de cœur eût tenu compte même de scrupules imaginaires ; à plus forte raison devait-il respecter les justes