Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/241

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’impétuosité et l’amertume avec lesquelles elle avait accueilli sa demande, ainsi que les accusations injustes qu’elle avait jointes à son refus. Elle eût trouvé naturel qu’il l’évitât comme une ennemie, et voici que dans une rencontre inopinée il montrait au contraire un vif désir de voir se renouer leurs relations. De l’air le plus naturel, sans aucune assiduité indiscrète, il essayait de gagner la sympathie des siens et cherchait à la mettre elle-même en rapport avec sa sœur. L’amour seul — et un amour ardent — pouvait chez un homme aussi orgueilleux expliquer un tel changement, et l’impression qu’Elizabeth en ressentait était très douce, mais difficile à définir. Elle éprouvait du respect, de l’estime et de la reconnaissance : elle souhaitait son bonheur. Elle aurait voulu seulement savoir dans quelle mesure elle désirait que ce bonheur dépendît d’elle, et si elle aurait raison d’user du pouvoir qu’elle avait conscience de posséder encore pour l’amener à se déclarer de nouveau.

Il avait été convenu le soir entre la tante et la nièce que l’amabilité vraiment extraordinaire de miss Darcy venant les voir le jour même de son arrivée réclamait d’elles une démarche de politesse, et elles avaient décidé d’aller lui faire visite à Pemberley le lendemain.

Mr. Gardiner partit lui-même ce matin-là peu après le « breakfast » ; on avait reparlé la veille des projets de pêche, et il devait retrouver vers midi quelques-uns des hôtes du château au bord de la rivière.




XLV


Convaincue maintenant que l’antipathie de miss Bingley était uniquement l’effet de la jalousie, Elizabeth songeait que son arrivée à Pemberley ne causerait à celle-ci aucun plaisir et elle se demandait avec